(Sur)vivre avec un handicap au Mali

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« Et vous, vous avez combien d’enfants ? Des garçons ou des filles ? Et ils s’appellent comment ? » Chaque fois que je visite un petit village, je pose les mêmes questions aux femmes pour briser la glace. Parce que comme partout dans le monde, les femmes sont fières de raconter des histoires à propos de leurs enfants. En Afrique rurale – où le planning familial n’est pas courant -, avoir des enfants n’est pas un choix, c’est une évidence. Alors, quand une femme me dit qu’elle n’a pas d’enfants, je ne sais plus quoi dire, et le silence se fait autour de nous…

Il y a huit ans que le mari de Doussouba Coulibaly est décédé, la laissant sans enfant. Elle vit dans le petit village malien de Tapako. « Ici au village, tout le monde a des enfants. Chez nous, une femme, c’est avant tout une mère. Une femme sans enfant, ce n’est pas vraiment une femme », explique-t-elle. « Mais puisque c’est la volonté de Dieu, je dois l’accepter. »

« Même si j’ai reçu beaucoup de soutien de la part du village après le décès de mon mari, c’était difficile de recommencer ma vie sans lui. Chaque matin, je devais me lever tôt pour ramasser les tomates ou récolter du maïs, un travail lourd et difficile. »

Doussouba Coulibaly portret

Outsider ?

C’est pourquoi les habitants de Tapako ont décidé d’un commun accord de désigner Doussouba comme « vulnérable ». Ainsi, en 2011, elle a reçu trois chèvres et un bouc de Vétérinaires Sans Frontières. Et il a fait du bon travail : depuis, sept petites chèvres gambadent dans sa cour. Les chèvres fournissent non seulement du lait et du fumier mais sont aussi une source de revenus. « Bientôt, j’irai au marché pour en vendre une et avec cet argent je pourrai acheter du riz. C’est agréable de pouvoir varier sa nourriture de temps en temps. »

Grace à l’appui de Vétérinaires Sans Frontières, les conditions de vie de Doussouba se sont beaucoup améliorées. À présent, elle a même les moyens de s’occuper d’un garçon de la famille. Ils habitent dans une petite maison sobre, dont les hommes du village viennent de réparer le toit pour éviter que l’eau ne fuite à l’intérieur à la saison des pluies. Selon eux, Doussouba n’est pas considérée différemment parce qu’elle n’a pas d’enfants. « Nous ne la considérons pas comme une outsider. Non, nous l’aidons chaque jour, pour lui rendre la vie un peu plus facile. »

Diversification des activités

Au Mali, 63,8% de la population vit dans la pauvreté et 21% dans l’extrême pauvreté. Le phénomène de pauvreté est plus accentué en milieu rural et les femmes sont particulièrement vulnérables, surtout si leur mari meurt ou s’il ne peut pas travailler à cause d’un handicap, comme le mari d’Assistan Coulibaly. Elle vit à Mafea, un petit village à environ 80 kilomètres de la capitale Bamako.

Ntonkoro Diarro

« C’est à cause de moi que notre situation est si misérable », raconte ouvertement N’tonkoro Diarro. « Je suis complètement dépendant de mes femmes. Elles font tout pour moi. » N’tonkoro a deux femmes, ce qui est courant au Mali, mais il n’est pas capable de subvenir à leurs besoins. Il a une jambe tordue, ce qui l’empêche de travailler.

« Quand j’étais enfant, j’étais en bonne santé. Je pouvais parfaitement marcher. Mais un jour, je suis tombé malade et ma jambe s’est infectée. J’ai reçu un traitement, mais ma jambe n’a jamais guéri. »

Depuis, Diarro se déplace dans une fauteuil roulant, qui fonctionne comme un vélo : plutôt que d’utiliser ses jambes, il doit pédaler avec les mains. « Mais il m’est impossible de travailler au champ ou d’élever des animaux comme le font mes femmes. Pour avoir une activité utile, je répare les chaussures et je fais des ceintures en peaux d’animaux ou des étuis pour couteaux. Mais ma petite entreprise ne rapporte pas grand-chose. Ici les gens n’ont pas beaucoup d’argent, alors le peu qu’ils ont, ils préfèrent le dépenser pour la nourriture, les soins de santé ou les frais scolaires. »

Les trois chèvres et le bouc que sa (première) femme a reçus de Vétérinaires Sans Frontières ont donc été un vrai répit. « Cela a permis à toute la famille de rebondir », raconte-il. « Ils ont vendu une chèvre pour pouvoir acheter quelques poules. C’est un grand pas en avant de ne plus être dépendants d’une seule activité. À présent, une mauvaise récolte n’est plus aussi catastrophique. »