Au Niger, la majorité des produits laitiers vendus sont issus de lait en poudre importé d’Europe, alors que de nombreux éleveurs nigériens ne parviennent pas à vendre leur lait.
Depuis plus de dix ans, Vétérinaires Sans Frontières met en place des centres de collecte de lait au Niger, afin d’assurer le lien entre les éleveurs et des entreprises laitières locales. L’ONG a notamment installé un centre à Kollo, dans le Sud du pays, en 2012. Le lait des éleveurs de la région y est acheté, son hygiène et sa qualité sont contrôlés, et il est revendu en grande quantité à l’entreprise SOLANI (Société Laitière du Niger) qui assure ensuite la distribution de ce lait local auprès des consommateurs.
En plus, ce centre de collecte offre aux éleveurs de la zone un ensemble de services : des produits de santé animale, des conseils pour l’hygiène et la qualité du lait, de l’alimentation pour leur bétail, etc.
Les éleveurs n’ont souvent pas les moyens de se rendre eux-mêmes au centre de collecte, car ils n’ont pas de moyen de transport. Nous rencontrons ce matin Boukari, qui assure le métier de collecteur de lait.
Pour les éleveurs : la possibilité de vendre leur lait
Boukari Nyali est un agro-éleveur Peul âgé de 55 ans, devenu collecteur de lait il y a 5 ans. Comme la plupart des Peuls, il est quasiment éleveur « de naissance ». Avec sa femme et ses huit enfants, ils vivent dans le village de Gongazougou, situé à environ 45 kilomètres au sud-est de la capitale Niamey.
« Je commence la collecte de lait tous les jours, du lundi au dimanche, vers 6h. Je dois arriver au centre de collecte avant 9h30. »
Boukari enfourche sa moto, emmène des grands bidons vides et se rend auprès des différents éleveurs.
« Durant la saison de bonne production du lait, d’août à février, je collecte environ 85 litres par jour. Pendant la saison sèche chaude, de mars à juillet, il est très difficile de produire du lait car il n’y a presque pas de nourriture pour les animaux. Les éleveurs me vendent parfois juste un demi-litre par jour. Je collecte alors environ 35 litres. »
Boukari est en contact avec au total 45 producteurs, dont une dizaine partent en transhumance durant la saison chaude.
« Avant l’installation du centre de collecte de Kollo, les éleveurs ne savaient pas quoi faire de leur lait. Ils pouvaient le vendre au marché de Kollo, mais celui-ci ne se tient qu’une fois par semaine. Certains devaient parcourir jusqu’à 2 heures à pied pour y arriver et n’étaient même pas certains qu’on leur achèterait leur lait une fois arrivés là-bas. A présent, ils sont assurés de vendre leur lait et d’avoir un revenu 7 jours sur 7 ».
Pour Boukari : un changement de vie
« On est une vingtaine de collecteurs, je suis parmi les plus fidèles et j’en suis fier. Un institut de microfinance m’a accordé un crédit pour que je puisse m’acheter une moto : je l’utilise non seulement pour la collecte de lait mais aussi pour aider les autres. Par exemple, lorsque quelqu’un doit se rendre rapidement en ville pour être soigné.
De plus, avant, je n’avais pas de salaire. Maintenant, j’ai un revenu régulier : j’achète un litre de lait à 225 francs CFA (0,34 euros) et je le revends au centre de collecte à 300 (0,46 euros). Une partie de l’argent que je gagne me permet de payer l’essence pour ma moto ».
Formation au métier de collecteur de lait
Boukari et les autres collecteurs du centre ont participé à un ensemble de formations, ayant trait aux bonnes pratiques à adopter pour assurer l’hygiène et la qualité du lait, au programme national de prévention des maladies, ou encore à l’alimentation stratégique des animaux (c’est-à-dire les techniques pour augmenter les quantités de lait produites).
« Cela nous permet d’exercer notre métier de collecteur correctement, par exemple : savoir si on peut acheter ou non le lait aux éleveurs en vérifiant l’hygiène, ou encore les aider en leur vendant des aliments pour leur bétail durant la saison chaude, et en leur faisant crédit. »
Les formations sont réalisées de manière participative, afin que les collecteurs co-construisent les connaissances et se les approprient durablement. Leur attention est également attirée sur l’intérêt de « l’effet cascade » de ces formations, c’est-à-dire l’importance qu’ils diffusent les apprentissages auprès des membres de leur communauté.