Au Niger, l’urgence de nourrir les familles déplacées

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Après la crise liée au covid-19, la guerre en Ukraine fait flamber depuis quelques mois le prix des denrées importées au Niger. Dans un contexte de dérèglement climatique couplé aux violences djihadistes, une grave crise alimentaire achève à présent de porter le coup de grâce à la population rurale.

Pour soulager ces communautés à bout de souffle, nous apportons une aide alimentaire à un millier de familles déplacées et leurs hôtes dans le sud-ouest du Niger.

De l’Europe à l’Afrique, le dérèglement climatique n’épargne personne

En Belgique, comme dans d’autres pays d’Europe, les éleveurs subissent depuis plusieurs mois les conséquences de la sécheresse et du manque de pluie. Sur les prairies brûlées par le soleil, plus un brin d’herbe pour nourrir les animaux. Les éleveurs de bétail sont obligés de puiser dans leurs réserves de foin prévues pour l’hiver. Pour s’en sortir, certains vont devoir se séparer d’une partie de leur cheptel. La situation laisse présager une hausse des coûts de production, qui risque d’être répercutée sur le portefeuille des consommateurs. Et ce, alors que ceux-ci sont déjà fortement tributaires de l’inflation des prix que connaît l’Europe.

A quelques milliers de kilomètres de chez nous, dans la région du Sahel, le même scénario est à l’œuvre. Mais la situation y est d’autant plus dramatique qu’elle se répète depuis quelques années déjà. Ces derniers mois, que ce soit au Mali, au Burkina Faso ou au Niger, sécheresses et inondations se succèdent. La détresse des populations, qui comptent déjà parmi les plus pauvres au monde, ne cesse de s’accentuer.

Une grave insécurité alimentaire, accentuée par les conflits armés, sévit au Niger

Au Niger comme presque partout au Sahel, l’avenir de quatre personnes sur cinq est suspendu à l’arrivée des pluies. Car ici, 80 % de la population vit de l’agriculture et de l’élevage. A leur grand désespoir, les pâturages se réduisent à une vitesse alarmante ces derniers mois en raison de la hausse des températures et de la baisse des précipitations. Quand ils ne sont pas détruits par les inondations. Depuis juin, les fortes pluies ont fait plus de 120 000 sinistrés et provoqué la perte de près de 15 000 tonnes de vivres. Selon les projections, ce bilan pourrait passer à plus de 350 000 personnes avant fin septembre 2022.

Dans le même temps, dans les zones frontalières du Burkina Faso et du Mali, la population vit à la merci de « groupes armés non-étatiques ». Leur présence le long des routes traditionnelles de transhumance empêche les éleveurs de partir à la recherche de pâturages plus verts. Terrorisés, les agriculteurs n’osent plus non plus cultiver leurs champs.

Dans ce contexte de forte insécurité, la production de nourriture est donc au point mort. Les prix des matières premières, comme les céréales, flambent sur les marchés. D’autant plus que le pays, fortement dépendant des importations, est victime des fluctuations dues au conflit russo-ukrainien. Sans parler de l’augmentation des prix du carburant, qui se répercute lui aussi sur le prix de la nourriture. Résultat : une grande partie de la population est poussée à la limite de la survie. A l’heure actuelle, environ un Nigérien sur cinq souffre d’insécurité alimentaire « sévère » (soit 4,4 millions de personnes). Plus de 10 % des enfants souffrent en outre de malnutrition aiguë.

Réfugiés dans leur propre pays

Pour échapper à la violence à la frontière avec le Burkina Faso et le Mali, de plus en plus de familles nigériennes n’ont d’autre choix que de quitter maison et troupeaux. Hommes, femmes et enfants se lancent alors dans un parcours périlleux de plusieurs dizaines de kilomètres à pied dans l’espoir de trouver refuge dans des communes voisines plus sûres. A l’échelle du pays, ils seraient près de 200 000 personnes à avoir fui leur foyer.

Ibrahim*, heureux, à la réception du kit alimentaire qui lui permettra de nourrir sa famille, déplacée par les violences. ©2SCom

C’est le cas d’Ibrahim*, 63 ans, agro-éleveur originaire du sud-ouest du Niger. Suite à une attaque dans son village qui lui a coûté son champ et son troupeau, il a pris la fuite avec ses 20 enfants. Après une cinquantaine de kilomètres de marche, ils sont arrivés dans une des localités où Vétérinaires Sans Frontières intervient.

« Nous sommes arrivés tard dans la nuit. Nous avons dormi à la belle étoile durant des jours, sans nourriture, avant de trouver un logement de fortune dans cette communauté », explique le sexagénaire lors de notre distribution de vivres.

Une aide alimentaire pour offrir un répit aux familles déplacées

Une distribution de vivres organisée par Vétérinaires Sans Frontières pour soulager les populations déplacées au sud-ouest du Niger. ©2SCom

Du sucre, de l’huile, du lait, de la farine enrichie pour les jeunes enfants, des céréales et des fruits. Voilà ce que peuvent se procurer quelques 1073 familles grâce à nos coupons alimentaires. D’une valeur de 64 euros, ils doivent leur permettre de passer la période de soudure, qui précède la prochaine récolte. « Nous sommes très contents de recevoir cette nourriture car nous avons passé des jours entiers sans manger », nous confie un des fils d’Ibrahim* avec un grand sourire.

Trois distributions de vivres ont déjà eu lieu. Sachant qu’une famille nigérienne compte en moyenne sept personnes, c’est plus de 7500 personnes qui en bénéficient depuis le mois de juillet. A présent, c’est au tour de Mariama* de recevoir son kit alimentaire. Un soulagement pour cette jeune femme qui a dû prendre la fuite avec ses deux enfants : « Nous venons de passer trois jours sans manger. Avec ces vivres, nous allons pouvoir manger à notre faim pendant quelques semaines. » Suite à l’assassinat de son mari par des groupes armés, Mariama* s’est retrouvée complètement sans ressources. Dans les semaines qui viennent, elle espère trouver le moyen de se lancer dans l’élevage pour subvenir aux besoins de ses fils.

Les communautés hôtes à bout de souffle

Aicha* s’entretient avec l’agent de Vétérinaires Sans Frontières venu lui apporter son kit alimentaire. ©2SCom

Mais les familles déplacées ne sont pas les seules à avoir besoin d’aide. Face à l’afflux de déplacés, les ressources du village sont sous pression. Pour éviter les tensions entre communautés hôtes et déplacées, nous ciblons donc aussi certains habitants des communes-refuge. Aicha*, 68 ans, à qui nous apportons des vivres à domicile, en fait partie : « Sans cette aide, nous allions tous mourir de faim, » soupire-t-elle. Alitée depuis près d’un an, elle survit en grande partie grâce à l’assistance alimentaire.

Si cette assistance est cruciale, elle ne suffit évidemment pas à relever ceux qui ont tout perdu. En parallèle de ces actions, nous mettons donc d’autres activités en place, axées sur la subsistance à plus long terme. Nous insistons notamment sur la réinsertion des jeunes. Une manière de leur offrir des perspectives d’emploi, dans une région instable où ils sont la principale cible de recrutement des groupes armés. Des actions essentielles pour enrayer le cercle vicieux de la violence.

Plus de témoignages


Depuis 1997, nous sommes actifs au Sahel et notamment au Niger pour soutenir les communautés vivant de l’élevage en vue d’améliorer leur bien-être et de renforcer leur résilience face aux chocs. Avec l’appui de l’Union européenne (DG-ECHO), nous distribuons actuellement des vivres aux populations agropastorales hôtes et déplacées au sud-ouest du Niger.

*Pour des raisons de sécurité, les noms des personnes interviewées ont été modifiés. Dans l’intérêt de nos équipes et de nos bénéficiaires, nous ne dévoilons pas nos localités d’intervention.