Des projets innovants qui transforment la vie dans les zones rurales du Rwanda

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Ces dernières années, nos équipes au Rwanda ont ouvert la voie de l’innovation en développant des projets qui allient créativité et praticité. Ces initiatives vont de l’utilisation d’insectes pour convertir les déchets en aliments nutritifs pour le bétail à l’utilisation de drones pour livrer des semences de haute qualité afin d’améliorer l’élevage de porcs, même dans les zones les plus inaccessibles. Des projets prometteurs, susceptibles d’améliorer la vie de nombreuses communautés rurales au Rwanda.

Un élevage durable grâce aux larves de mouches

Les larves se nourrissent de déchets organiques, souvent un mélange de fumier et de déchets de cuisine.

Selon les Nations Unies, en raison de la croissance rapide de la population africaine, la demande de viande, de lait et d’œufs devrait presque quadrupler d’ici 2050 sur le continent. Particulièrement concerné, le Rwanda a donc décidé d’investir dans l’expansion de son industrie de production de viande. Au cours des cinq dernières années, le pays a vu son cheptel porcin presque doubler. Cependant, cette expansion rapide s’accompagne de son lot de défis, dont le plus urgent est sans doute la pénurie d’aliments pour ces animaux, liée à un manque de terres cultivables. En effet, le Rwanda importe près de 90 % de la nourriture destinée à ses animaux d’élevage. Ceci pose non seulement une menace pour la souveraineté alimentaire, mais aussi pour l’environnement. Une grande partie du soja importé à cette fin est produite au détriment des forêts, tandis que les farines de poisson sont à l’origine d’immenses pertes de biodiversité marine.

Pour lutter contre ce problème, nous avons lancé un projet pilote d’élevage de mouches soldat noires. Riches en protéines, leurs larves constituent un ingrédient idéal pour remplacer la farine de poisson et le soja. Avec une unité de production de quelques mètres carrés, les 240 petits éleveurs bénéficiaires sont capables de nourrir l’équivalent d’une dizaine de porcs ou une centaine de poulets. Elevées sous des filets, les mouches donnent naissance à des larves, nourries avec un mélange de fumier et de déchets de cuisine. Au bout de 14 jours seulement, les larves sont complètement développées et peuvent être récoltées, séchées et ajoutées aux rations alimentaires des animaux. Le reste de substrat peut ensuite être utilisé comme engrais naturel, très efficace sur les cultures.

Janvière Twizeyemungu (45 ans) est totalement convaincue par l’élevage de mouches soldat noires. Cette innovation lui a permis de réduire les coûts d’alimentation de ses poulets de 30 %, augmentant ainsi sa marge bénéficiaire par poulet de 70 %.

Cette innovation est bien accueillie par les éleveurs, à la fois pour son impact environnemental mais également économique. Les travaux menés en collaboration avec l’Université de Gand ont démontré que le recours aux larves de mouches soldat noires permet aux éleveurs de réduire jusqu’à 30 % leurs coûts en alimentation animale, sans perte de qualité. En effet, les aliments pour la volaille supplémentés en larves présentent un intérêt nutritionnel équivalent à celui des aliments commerciaux, notamment à base de soja. À certains égards, les larves séchées sont même plus performantes ! En étroite collaboration avec l’Université du Rwanda et des universités belges, nous continuons à explorer des manières d’améliorer cette technologie prometteuse .

Des drones pour faciliter l’insémination artificielle des porcs

Depuis plusieurs années, le gouvernement rwandais stimule l’industrie porcine en optimisant les performances de reproduction. L’Etat a notamment installé 6 centres d’insémination artificielle à travers le pays, où les éleveurs peuvent se procurer de quoi inséminer leurs bêtes à prix réduit. Mais ces centres restent peu accessibles à la population vivant dans des zones reculées. Pour y accéder, de nombreux éleveurs doivent emprunter des routes difficiles, parfois à travers les montagnes. Le trajet peut prendre jusqu’à 6h aller-retour, ce qui en dissuade plus d’un. Afin de répondre à cette difficulté, nous avons développé un projet novateur avec l’entreprise de livraison Zipline et la collaboration du Rwanda Agriculture Board. Celui-ci a équipé deux centres de distribution d’un service automatisé de livraison par drones.

Viateur Bamporineza fait partie des 84 vétérinaires que nous avons formés à l’insémination artificielle des porcs au Rwanda. Grâce au service de livraison par drone, Viateur a inséminé plus de 500 porcs en 2023.

Ce système permet de faciliter l’approvisionnement en donnant accès rapidement et de manière sécurisée aux semences pour l’insémination des porcs. Finis les longs et coûteux trajets jusqu’au centre ! Grâce aux drones, les kits d’insémination sont livrés gratuitement en moins de 45 minutes. En l’espace de quelques heures, un vétérinaire peut donc commander la semence et procéder à l’insémination d’une truie. Une pratique qui présente différents avantages : en plus de diminuer le risque de transmission de maladies lors des accouplements, l’utilisation de semences exotiques permet de diversifier le patrimoine génétique et d’augmenter la rentabilité et la résistance des porcs.

Entre juillet et décembre 2022, 9404 kits d’insémination ont été livrés aux quatre coins du pays. Avec un taux de réussite d’insémination de 85 %, le système a déjà permis à plus de 79 934 porcelets de venir au monde. Il contribue donc activement à l’amélioration de la production porcine au Rwanda. En dehors de l’insémination artificielle, les drones peuvent également servir dans d’autres domaines liés à la santé animale ou humaine. Par exemple, pour la livraison de vaccins afin d’endiguer de futures épidémies. En 2022, 70 000 vaccins ont d’ailleurs été livrés par drones pour lutter contre une épidémie de fièvre de la vallée du Rift dans le district de Nyagatare.

De la bouse de vache pour cuisiner

En 2022, 93 % de la population rwandaise cuisinait encore au feu de bois ou au charbon. En plus de participer à la déforestation systématique des collines, cette pratique provoque des dégagements de fumées à l’origine de maladies oculaires et respiratoires. Face à ce constat, le gouvernement a initié le Programme national de biogaz domestique en 2007 qui promeut l’installation de biodigesteurs chez de petits éleveurs laitiers. Ce dispositif technique permet de décomposer la bouse de leurs vaches par un processus de digestion pour produire du gaz méthane, relié à la cuisine. L’utilisation de ce biogaz pour la cuisson améliore l’hygiène du foyer. Cela fait aussi gagner un temps précieux aux femmes et aux enfants, habituellement chargés de la récolte de bois et de la préparation des repas. De plus, le processus de fermentation transforme les excréments en fertilisant de qualité pour les cultures (le digestat), ce qui augmente le rendement agricole.

Eva et Catherine ont effectué des recherches sur le biogaz en 2022, dans le cadre de leur mémoire de Master.

De 2014 à 2020, Vétérinaires Sans Frontières et son partenaire local IMBARAGA ont contribué au programme rwandais en développant un projet axé sur l’énergie verte et l’élevage dans la Province du Sud. Notre équipe a coordonné l’installation de 650 biodigesteurs et la réparation de 173 anciennes installations. Au fil du temps, le projet s’est amélioré pour répondre aux principaux défis relatifs à la durabilité des biodigesteurs : le manque d’eau nécessaire à la bonne dilution du fumier (durant la saison sèche) et la disponibilité de fumier propre, exempt de contaminants (sable et pierres). Afin d’éviter les défaillances, nous avons donc fourni 132 barils de récolte d’eau de pluie et amélioré 313 étables en y ajoutant une fondation en béton pour faciliter la collecte des excréments et de l’urine. Grâce à cette approche holistique, pas moins de 73 % de nos installations sont toujours en état de fonctionnement. Un résultat qui contraste fortement avec la moyenne nationale de 15 %, comme l’ont établi des chercheurs de la KULeuven.

Selon une étude de l’Université de Gand, l’utilisation de nos installations de biogaz pour cuisiner réduit par ailleurs les émissions de gaz à effet de serre de 2,5 tonnes d’équivalent CO2 par an par rapport à la cuisson au bois. Au total, les 650 biodigesteurs installés permettent donc chaque année une réduction d’émissions comparable à celles d’un millier de voitures en Belgique (à raison d’une moyenne de 15 000 kilomètres par an).

Sous l’impulsion des chercheurs

En collaboration étroite avec l’université du Rwanda et des universités belges, nous continuons à améliorer l’élevage de mouches soldat noires. Une solution très prometteuse pour l’alimentation des porcs et des volailles. 

De plus en plus, nous travaillons main dans la main avec des institutions académiques renommées telles que l’Université du Rwanda, la KU Leuven, HOGENT et l’Université de Gand . Notre engagement dans la recherche-action nous permet de tester et de perfectionner des technologies prometteuses qui ont le potentiel d’améliorer la situation de la population rwandaise. La réussite de cette approche repose sur la participation active d’étudiants en master et de doctorants. Ceux-ci apportent leur expertise par le biais de stages et de travaux de recherche tout en recevant des conseils précieux de la part de nos collègues sur le terrain.
Ces expériences immersives profitent non seulement aux étudiants, mais aussi aux universités qui peuvent leur proposer des sujets de recherche diversifiés avec un réel impact à la clé. De notre côté, ces collaborations permettent d’affiner nos stratégies de mise en œuvre, pour un impact encore plus significatif sur le terrain. Grâce à ces partenariats dynamiques, nous nous engageons à continuer à proposer des solutions durables et transformatrices pour le bien-être des communautés rurales rwandaises.