Soutenir les populations déplacées, notre mission au Sud-Kivu

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« Ils ont brûlé nos maisons, c’est pour cela qu’on a fui. J’étais enceinte et j’ai accouché de mon dernier enfant sur la route. J’avais seulement pris un pagne, et c’est avec ça que j’ai couvert mon bébé lors de l’accouchement, » raconte Florence Nyabigondo Nyamajana, 40 ans, originaire de Bijombo sur les hauts plateaux d’Uvira. Plus traumatiques les uns que les autres, les récits des déplacés qui ont fui les violences interethniques dans les hauts et moyens plateaux sont tristement similaires.

Florence Nfurakazi, 24 ans, se souvient également de la énième attaque qui a précipité le départ de sa famille en avril 2021, après plus de trois mois de violences dans le village de Katobo : « Un jour, des rebelles sont venus pendant la nuit et ont tué certains de nos voisins. »

Pour échapper à ce sort, de nombreuses familles du Sud-Kivu entament un périple de plusieurs jours de marche, avec pour seul bagage les vêtements portés et dans le meilleur des cas, quelques têtes de bétail. Fin septembre 2023, le nombre de personnes déplacées internes en RD Congo dépassait 6,3 millions, dont 677 000 depuis le début de l’année. Ces personnes sont parmi les plus touchées par l’insécurité alimentaire, qui touche 25 millions de Congolais, dont 1,5 million rien qu’au Sud-Kivu.

Florence Nyabigondo Nyamajana et son plus jeune fils, dont elle a accouché sur la route pour Bwegera. © Arlette Bashizi

Depuis deux ans, des milliers de déplacés trouvent refuge dans le village de Bwegera. C’est là que Vétérinaires Sans Frontières a entamé un programme d’assistance humanitaire fin 2021. « À notre arrivée ici, la vie était très difficile, explique Francine Mukogba, jeune infirmière originaire de Mulenge. « Imagine, tu te retrouves dans un endroit que tu ne connais pas, sans un sous, même pas de vêtements… C’était difficile, mais Dieu merci la population d’ici nous a accueillis comme on est venus, dans leurs maisons, et ils ont partagés avec nous le peu qu’ils avaient. »

Inclure les populations hôtes, la clé pour favoriser la cohésion sociale

Faustin Mporana et sa famille ont accueilli cinq familles de déplacés depuis le début de la crise, en avril 2021. Il salue les efforts de Vétérinaires Sans Frontières pour favoriser la cohésion sociale entre les deux communautés. © Arlette Bashizi

Eleveur originaire de Bwegera, Faustin Mporana, 47 ans, se souvient bien de l’arrivée massive des premiers déplacés dans son village : « C’est en avril 2021 qu’on a commencé à accueillir des déplacés. On a partagé ce qu’on avait avec eux ; chez moi, j’ai accueilli cinq familles. » Mais l’afflux était tel qu’au bout de quelques semaines, la population locale s’est retrouvée sous pression. Des tensions ont commencé à se faire sentir entre les communautés hôte et réfugiée. « A force d’accueillir autant de familles, on commençait aussi à devenir vulnérables, car tout devait être partagé… », poursuit Faustin.

Dans ce contexte, l’arrivée de Vétérinaires Sans Frontières a été très bien accueillie par les deux communautés : « On est habitués à recevoir l’appui des ONG ici, mais l’impact de Vétérinaires Sans Frontières a vraiment fait la différence car ils sont arrivés au moment où on était débordés, » explique Faustin. « Il y avait beaucoup de déplacés. Vu le contexte dans lequel ils ont fui leur foyer, avec les conflits entre ethnies, les formations de cohésion sociale ont été d’une importance capitale. Grâce à cela, les deux communautés ont appris à vivre ensemble. »

Charlotte Djedje, membre de la communauté hôte, a bénéficié de l’appui de Vétérinaires Sans Frontières pour dynamiser son commerce. © Arlette Bashizi

Dans tous ses programmes d’appui aux réfugiés et déplacés, Vétérinaires Sans Frontières met en effet l’accent sur la cohésion sociale, socle essentiel pour le reste des activités de soutien aux populations. Et bien que celles-ci touchent en priorité les populations déracinées, les plus vulnérables de la communauté hôte ne sont pas oubliés. Charlotte Djedje, 34 ans, porteuse d’un handicap depuis sa naissance, a ainsi pu bénéficier de plusieurs appuis : « Malgré mes efforts, toute seule, je ne m’en sortais pas. Avec mon handicap, je ne peux pas aller aux champs. Aujourd’hui, grâce à l’appui de Vétérinaires Sans Frontières, je travaille et je me sens valorisée dans ma communauté, » explique-t-elle entre deux ventes dans sa petite échoppe. « Avant de recevoir une assistance, mes enfants ne mangeaient qu’une fois par jour. Depuis, ils mangent deux repas par jour et j’arrive à les scolariser sans difficulté. »

De l’argent et des animaux, pour tout recommencer

Florence Nfurakazi, 24 ans, a trouvé refuge à Bwegera avec son mari et ses deux enfants. Vétérinaires Sans Frontières lui a remis trois chèvres, dont l’une a récemment mis bas. De quoi recommencer à zéro pour cette jeune maman, propriétaire d’un grand troupeau avant de devoir quitter son village. © Arlette Bashizi

Pour que notre appui soit le plus pertinent possible pour nos bénéficiaires, nous misons entre autres sur deux principaux volets. D’une part, nous offrons une assistance monétaire par transfert mobile via l’opérateur local Airtel. Un système sécurisé qui permet d’autonomiser les familles tout en soutenant l’économie locale. Les bénéficiaires définissent eux-mêmes la façon dont ils veulent dépenser l’argent reçu : « Ça nous a beaucoup aidés, » témoigne Francine, qui a bénéficié de 4 tranches de 100 USD depuis son arrivée à Bwegera, et d’un téléphone pour les recevoir. « Même si tout le monde n’en a pas reçu, celui qui recevait de l’argent achetait par exemple de la nourriture et la partageait avec les autres. C’était comme si nous avions tous reçu le cash. »

Pour permettre aux familles de se relever durablement, nous apportons également un appui au développement d’activités génératrices de revenus. La majorité de la population vivant de l’élevage dans le territoire d’Uvira, les activités choisies par nos bénéficiaires y sont très souvent liées. En deux ans, 240 familles ont pu choisir de recevoir trois porcs, trois chèvres ou un stock de vivres et autres produits non-alimentaires pour ouvrir un petit commerce.

L’élevage, une base solide pour un revenu stable

Francine et ses trois truies. © Arlette Bashizi

Francine a opté pour l’élevage de porcs, en parallèle de son travail au centre hospitalier de Bwegera. Elle espère ainsi pouvoir assurer la scolarité de ses enfants : « J’ai reçu trois truies et j’espère qu’elles vont bientôt mettre bas. Imaginez quand les trois auront des porcelets, j’en aurai déjà presque trente d’un coup ! Nous recevons également l’accompagnement technique de Vétérinaires Sans Frontières pour bien nous occuper des animaux. J’apprends comment les soigner, les nourrir, etc. La vie n’est pas encore parfaite mais c’est déjà un bon début. »

Autrefois agricultrice et propriétaire d’un élevage d’une trentaine de chèvres et d’une vingtaine de vaches dans son village d’origine, Florence a choisi de recevoir des chèvres : « Il y a quelques jours, une de mes chèvres a mis bas. Ce jour-là, mes enfants étaient aux anges ! À 4 heures du matin ils m’ont réveillée en disant : « Maman, réveille-toi ! La chèvre a eu un petit ! » Mon deuxième, Irankunda, aime beaucoup ce petit chevreau. Il dit que c’est le sien, qu’il va l’élever jusqu’à ce qu’il devienne une grande chèvre, » explique la jeune maman, souriante. « Cet élevage va beaucoup nous aider. Mes chèvres vont se multiplier jusqu’à ce que je puisse acheter une vache. Si on arrive à évoluer avec cet élevage, je pourrai aussi scolariser mes enfants. J’aimerais qu’ils étudient dans des bonnes conditions. »


Vétérinaires Sans Frontières intervient auprès des populations d’éleveurs de l’Est du Congo depuis 2007, à travers des activités d’appui à l’élevage et à la santé animale. Face à la détresse de la population, nous mettons également en œuvre des actions humanitaires au Sud-Kivu depuis octobre 2021, avec le soutien du gouvernement belge (Direction générale de la coopération au développement et de l’aide humanitaire). Ces activités s’inscrivent dans le cadre d’un programme multi-pays mis en œuvre au Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso) et dans la région des Grands Lacs (Ouganda et RD Congo).