Un système d’information digitalisé pour révolutionner la transhumance au Sahel

Actualités

Depuis toujours au Sahel, des communautés entières d’éleveurs pratiquent la transhumance. Traditionnellement, elles font appel à un éclaireur pour choisir leur itinéraire. Dans plusieurs régions du Niger, du Burkina Faso et du Mali, c’est désormais de l’histoire ancienne. Depuis 2016, les éleveurs y utilisent un système d’information digitalisé pour la transhumance. Un outil mis à disposition de près de 3 millions d’éleveurs, via les radios locales ou par téléphone.

Amadou Alto, représentant d’une association d’éleveurs à Boboye, se souvient : « Avant de partir, on envoyait un homme à dos de dromadaire dans la direction que nous avions choisie. Il parcourait 20 ou 30 kilomètres et puis il revenait nous informer sur l’état des pâturages et des points d’eau. »

Le système traditionnel avait cependant ses limites. Les renseignements étaient parfois incomplets ou caducs. Les éleveurs devaient alors rebrousser chemin avec leurs troupeaux ou changer d’itinéraire, perdant un temps précieux. Avec le temps, d’autres défis se sont ajoutés, compliquant le parcours des éleveurs et de leurs troupeaux.

Un contexte changeant

Les éleveurs du Sahel sont en première ligne face au dérèglement climatique et à l'insécurité, qui perturbent leur transhumance. D'où l'intérêt d'un système d'information digitalisé.

Les éleveurs du Sahel sont en première ligne face au dérèglement climatique et à l’insécurité, qui perturbent leur transhumance. D’où l’intérêt d’un système d’information digitalisé. © Michele Cattani

Ces dernières années, la pression démographique pousse les agropasteurs à empiéter sur les pâturages pour cultiver de quoi se nourrir. Le cycle des saisons est de plus en plus déréglé, et les itinéraires habituellement empruntés ne mènent plus aux pâturages autrefois verdoyants. Les mares se font aussi plus rares. Les éleveurs doivent donc chercher ailleurs, et partir plus loin.

Dans ce contexte, les affrontements entre agriculteurs et éleveurs ne sont pas rares. Sans parler des groupes armés qui terrorisent la population. Mamoudou Hama possède un grand troupeau de moutons, chèvres et vaches dans un village près de Téra, à 25 kilomètres de la frontière burkinabé. Il emmène souvent ses bêtes paître de l’autre côté, dans la zone du Gourma, connue pour son instabilité. « L’insécurité se caractérise par des attaques armées, des enlèvements et des vols de bétail, » raconte l’éleveur. Dans ce contexte changeant, avoir accès à des informations fiables et actualisées devient vital pour les éleveurs.

La transhumance à l’ère du digital

Depuis 2016, un système digitalisé permet de répondre à leurs besoins. Développé au Niger, il repose sur un réseau de collecteurs d’informations : des vétérinaires, éleveurs et agents de l’Etat. Equipés de smartphones et de chargeurs solaires, ils collectent des données qui sont ensuite examinées par nos équipes et celles du ministère de l’élevage. Une fois validées, les principales informations sont traduites dans les différentes langues locales et retransmises sur les radios locales. Elles sont aussi disponibles sur un serveur vocal interactif, accessible 24h sur 24.

En plus de servir aux éleveurs, les données recueillies sont transmises aux décideurs politiques. Ceux-ci ont alors toutes les cartes en main pour prévenir une épidémie ou anticiper une crise pastorale, par exemple.

Un système approuvé par les éleveurs

Amadou Alto, représentant des éleveurs à Boboye, utilise régulièrement le système d'information digitalisé pour la transhumance

Amadou Alto, représentant des éleveurs à Boboye, utilise régulièrement le système d’information digitalisé pour la transhumance

Que ce soit à Téra ou à Boboye, l’adhésion au système d’information digitalisé pour la transhumance est totale.

« Ça nous évite beaucoup de tracas, » reprend Amadou Alto. « Nous avons accès à des informations sur la disponibilité des pâturages, l’insécurité, les poches de sécheresse ou l’obstruction des couloirs de passage. Et cela nous permet de prendre les bonnes décisions pour nos troupeaux. »

Même son de cloche pour Mamoudou Hama, fidèle auditeur des émissions pastorales sur la radio Dar-Salam : « Je me base sur les informations diffusées à la radio pour déterminer un itinéraire de transhumance sûr. »

Souhaïbou Tahirou, de passage avec son troupeau, abonde dans le même sens : « J’écoute la radio Dar-Salam tous les soirs pour avoir les dernières informations pastorales. Grâce à ça, je me rends directement dans les zones favorables. Jusqu’ici, les informations se sont toujours avérées justes. Les jours où je me trouve dans une région non couverte par la radio, je m’informe via mon téléphone portable. »

Un système moderne qui ne demande qu’à être étendu à d’autres régions pour profiter à encore plus d’éleveurs.

En savoir plus

Vous trouverez plus d’information sur le fonctionnement et les résultats du système ici.

Ces activités ont été mises en œuvre dans le cadre du programme Wehubit, financé par la coopération belge au développement.