10 ans d’approche holistique au Burundi : des milliers de vies transformées

Actualités

Il suffit de faire quelques kilomètres en dehors de Bujumbura pour le constater : le Burundi est un pays agricole. L’agriculture occuperait même neuf personnes sur dix, soit environ 12 millions de personnes. Au petit matin, on les voit se diriger vers les champs et commencer à labourer ou récolter à la seule force de leurs bras. Bien souvent, les terres sur lesquelles ils s’affairent ne leur appartiennent pas. Et même quand c’est le cas, leur rendement n’est pas suffisant pour vivre dignement. Des millions de Burundais travaillent donc au quotidien pour un salaire de misère : moins d’un euro en moyenne, pour six heures de dur labeur.

Sous ses abords verdoyants, le Burundi cache un sérieux problème : à force de les exploiter sans relâche, les terres du petit pays sont devenues infertiles. Pour relever ce défi, l’élevage représente une solution prometteuse. En effet, les déjections des animaux sont un engrais à la fois efficace, gratuit et naturel. Mais encore faut-il avoir les moyens d’acheter quelques animaux. Un rêve malheureusement inaccessible pour de nombreux Burundais, qui vivent dans la pauvreté.

Depuis 2014, Vétérinaires Sans Frontières et son partenaire local UCODE-AMR développent une approche holistique. Tout en s’attaquant aux différentes dimensions de la pauvreté, elle permet également de régler les problèmes d’infertilité des sols. Grâce à des chèvres et quelques appuis matériels et techniques, les rendements agricoles se multiplient et les agriculteurs burundais parviennent à générer des revenus rémunérateurs.

10 ans d’approche holistique : 3721 nouveaux départs

Nos bénéficiaires reçoivent quatre chèvres et tout le nécessaire pour faire prospérer leur élevage. Grâce au fumier, les récoltes s’améliorent vite et les revenus également. © Loïc Delvaulx

En 10 ans, nous avons distribué plus de 14 000 chèvres à 3721 familles. Pour les sélectionner, une série de critères de vulnérabilité sont établis de commun accord avec la communauté locale. Le profil des heureux élus est donc souvent similaire : familles nombreuses, mères célibataires, veuves ou abandonnées par leur mari, disposant de peu de ressources.

Le socle d’appuis est le même pour tous : après avoir suivi une formation en élevage, chaque famille reçoit de quoi construire une chèvrerie ainsi que des semences fourragères et maraîchères. Nos animateurs dispensent également des conseils pour améliorer l’hygiène au sein des foyers, notamment en construisant une douche, des toilettes, un système mécanique de lavage des mains et un égouttoir à vaisselle.

Quand tout est prêt pour leur arrivée, quatre chèvres sont distribuées à chaque famille. Nos experts en santé animale les sélectionnent avec soin parmi les races les plus adaptées, s’assurent qu’elles soient en bonne santé et les vaccinent avant la distribution. Plusieurs raisons expliquent le choix des chèvres : leur alimentation n’entre pas en concurrence avec celle des familles et ne nécessite pas de gros investissement financier. En effet, elles se contentent des résidus de récolte, d’herbes ou de feuilles. Pour qu’elles restent en bonne santé, nous assurons leurs soins pendant trois mois via les services de nos techniciens et agents communautaires de santé animale.

L’effet multiplicateur de la chaîne de solidarité

Les chèvres se nourrissent de résidus de récolte, de feuillage et d’herbes. Les ménages vulnérables peuvent donc les nourrir à faible coût, sans mettre en péril leur propre alimentation. © Loïc Delvaulx.

Pour stimuler la responsabilité des bénéficiaires et démultiplier l’impact de notre approche, nous avons instauré un principe de « chaîne de solidarité ». Après la réception de leurs chèvres, les familles sélectionnées ont un an et demi pour en « rembourser » deux à une autre famille vulnérable. Grâce à ce système, plus de 1800 foyers supplémentaires ont aussi eu la chance de se lancer dans l’élevage depuis 2014.

Si le concept de chaîne solidaire est bien accepté par les bénéficiaires, c’est sans doute car il s’inspire d’une coutume locale : au Burundi, les familles les plus nanties ont l’habitude de confier quelques animaux à leurs voisins moins aisés. En échange de leurs bons soins, ils sont autorisés à garder un petit après avoir cédé le premier né au propriétaire.

Les chèvres comme ascenseur social

Quels que soient les parcours, les témoignages sont unanimes : depuis l’arrivée des chèvres, la vie de nos bénéficiaires a changé. Rapidement, les récoltes s’améliorent grâce à l’application du fumier, ce qui augmente les revenus familiaux. La vente de quelques chèvres permet aussi de faire d’autres investissements agricoles ou d’élevage, et de diversifier les revenus. Pour Marie-Rose Miburo (56 ans), veuve et mère de sept enfants, le grand tournant remonte à 2017 : « Ça a été une chance exceptionnelle car ça m’a permis de résoudre tous mes problèmes. » En quelques mois, sa situation a si bien évolué qu’elle a rempli les conditions pour bénéficier d’autres appuis comme le crédit-élevage et l’aviculture , réservés à des catégories socio-économiques plus élevées : « Je suis fière que tous les appuis que j’ai reçus aient abouti à quelque chose. Cela m’a permis de prolonger la scolarité de mes enfants. J’ai un fils qui a terminé des études de lettres et un autre qui est en deuxième année de français à l’université. »

Grâce aux chèvres qu’elles a reçues il y a cinq ans, Ménédore a pu s’acheter une vache qui a récemment eu un veau. Après des années de galère, ses revenus agricoles et d’élevage lui permettent à présent d’envoyer trois de ses enfants à l’université. © Loïc Delvaulx.

La scolarisation des enfants figure souvent en tête des préoccupations des bénéficiaires, dont la plupart n’a pas étudié au-delà de l’école primaire. Pour Ménédore Nyabenda, qui a trimé pendant des années pour élever seule ses sept enfants après que son mari les ait abandonnés, c’est une grande fierté : « Mes revenus me permettent d’envoyer mes enfants à l’université : deux de mes filles ont étudié la gestion et la comptabilité, et mon fils va commencer des études supérieures en agronomie. Je peux payer sans problème leurs études et leur logement à Bujumbura. Si je n’avais pas eu mes chèvres, cela aurait été impossible. » Cinq ans à peine après avoir reçu nos appuis, Ménédore peut enfin dormir tranquille. Grâce à quelques chèvres, elle a atteint son objectif : offrir une vie meilleure à ses enfants.


Ces activités sont mises en œuvre par Vétérinaires Sans Frontières et son partenaire local UCODE-AMR dans les provinces de Ngozi et Kayanza, avec le soutien du gouvernement belge (Direction générale de la coopération au développement et de l’aide humanitaire).