À la découverte de Moroto

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À Moroto, 5 à 6 bovins et une dizaine de chèvres sont abattus chaque jour. Les animaux ont été achetés aux éleveurs par des “traders” qui les emmènent ensuite à l’abattoir où les carcasses sont alors achetées par des bouchers.  Tout est réalisé dans la même salle. Abattage, éviscération et… examen post-mortem réalisé par Sam, LE vétérinaire de Moroto. Malgré ces conditions d’hygiène difficiles, le tout est effectué avec une rapidité impressionnante, ce qui permet, je pense, de diminuer un peu la contamination… RIEN n’est gaspillé : les pieds, la tête seront bouillis, les intestins nettoyés, le contenu du rumen récupéré pour fertiliser la terre,… Même le sang est récupéré pour être consommé bouilli. Les peaux sont vendues, mais avant cela le moindre morceau de viande est récupéré par les plus démunis…

Tout autour de nous, des gens d’une maigreur qui dépasse l’imagination rampent au sol pour grappiller le moindre morceau de viande qui traîne. Pensez-y quand vous passerez à table aujourd’hui peut-être pour la troisième fois… Je réalise encore plus ici le luxe que nous avons de pouvoir choisir notre menu. Quand je pense aux enfants et adolescents qui refusent de manger sous prétexte que la nourriture ne leur plaît pas… Le gaspillage alimentaire est encore beaucoup trop présent dans notre société !

Nous nous dirigeons ensuite vers le laboratoire de Moroto. Un jeune assistant nous fait la visite du laboratoire : un appareil à PCR, une centrifugeuse, un microscope, quelques tests rapides, coprologie. Ce jeune semble réellement passionné par ce qu’il fait mais le manque de moyen limite encore une fois son travail. Les employés du labo tentent d’évaluer l’incidence de certaines maladies présentes dans le cheptel, dont certaines sont transmissibles à l’homme, comme la brucellose ou la leishmaniose. Ils testent certains animaux avant de les introduire dans le cheptel. Ils sont motivés et pleins de bonnes idées, il ne leur manque qu’un petit coup de pouce !

VICOBA, un système d’épargne accessible à tous

Après une courte pause à midi, nous prenons la route pour un village proche de Moroto afin d’y rencontrer un groupe VICOBA (Village Community Bank), composé principalement d’hommes, soutenu par Vétérinaires Sans Frontières. En gros, les membres de ce groupe utilisent un système d’épargne communautaire, à l’aide d’une boîte qui contient leur épargne et les comptes du groupe. En fonction de leurs moyens, chaque semaine, chaque membre épargne et met sa contribution dans cette boite. La somme minimale à épargner est fixée d’un commun accord par les membres du groupe au début de l’année et reste la même pour un an. Les membres peuvent alors emprunter de l’argent à la communauté. Si cet argent est emprunté dans un but social, ils pourront le rembourser sans intérêts. Si l’argent est destiné à un autre investissement, un taux d’intérêt de 10 % sera appliqué sur la somme empruntée.

Tous les membres ont l’air enchantés par ce projet et sont extrêmement reconnaissants de l’aide apportée par Vétérinaires Sans Frontières. Chacun nous raconte ce qu’il a pu entreprendre grâce aux profits de l’épargne : acheter du bétail et le revendre avec un bénéfice, acheter du matériel pour faciliter un peu son travail quotidien, stocker les récoltes et les vendre quand les prix sont plus avantageux… Bref, c’est une banque mais en mieux car tout le bénéfice leur revient ! Tout le monde est accepté à condition d’être capable d’apporter un capital de départ, dont le montant est fixé pour convenir au plus grand nombre. Pas besoin de garantie comme dans toutes ces grandes institutions bancaires qui aident volontiers les plus riches mais abandonnent les plus pauvres à leur triste sort.

L’arrivée dans ce village m’a encore un peu secouée. Beaucoup de gens, surtout des femmes et des enfants, se précipitent vers nous. Je ne peux m’empêcher d’aller à leur rencontre pour les saluer mais tout de suite, ils nous supplient pour recevoir quelque chose. Pas nécessairement de l’argent mais simplement de quoi manger. Ils ont l’air affamés mais je n’ai rien à leur donner… Encore une fois, je trouve ce monde terriblement injuste et déséquilibré. D’un côté, des êtres humains affamés, et de l’autre, une société de surconsommation sans limite…

L’importance du bétail au Karamoja

Nous devons déjà partir pour découvrir une autre réalisation de Vétérinaires Sans Frontières, un dépôt de médicaments hors de la ville. Il faut savoir que le Karamoja, la région où l’ONG est active, fait plus ou moins la taille de la Belgique et héberge une grande partie du cheptel national. Pourtant, la région compte moins de 10 vétérinaires, qui sont presque tous employés par le gouvernement. Ils occupent souvent des postes à responsabilités et ne sont hélas que très peu sur le terrain. L’accès aux soins pour le bétail est donc très limité. Or, le cheptel a une valeur très importante pour les Karimojong. C’est à la fois leur banque, leur garde-manger, leur assurance-vie, … en gros, leur seul moyen de subvenir à leurs besoins ! Perdre des animaux est pour eux un véritable drame économique et social.

La construction de dépôts de médicaments dans les régions isolées, plus proches des troupeaux, est un point important des actions de Vétérinaires Sans Frontières dans la région. Ils forment certains éleveurs locaux au diagnostic des maladies les plus courantes afin qu’ils puissent conseiller au mieux les bergers qui gardent les troupeaux. Un petit magasin a été construit et un kit de démarrage offert. Ici, le seul moyen de transport pour la majorité des gens se résume à la marche. Ils peuvent parfois parcourir plus de 60 km pour venir acheter quelques médicaments ! La personne en charge du dépôt se déplace souvent pour soigner les troupeaux. Encore une fois, les personnes rencontrées sont extrêmement reconnaissantes ! On ressent chez eux une énorme motivation et une envie de bien faire ! Ils sont persuadés que leur travail peut vraiment changer les choses et aider les gens et je pense que c’est réellement le cas ! Leur seul souhait est que le programme continue et qu’ils puissent être formés davantage.

Tout ceci me fait relativiser. Oui, le Karamoja est pauvre et le taux de malnutrition y est plus élevé que la moyenne nationale, mais c’est aussi une région pleine de ressources et d’espoir ! Ces gens sont tellement courageux, au travail dès le plus jeune âge… Quand je nous vois nous plaindre, nous occidentaux, pour des banalités de notre quotidien, encore une fois je me pose des questions ! On ne mérite pas le confort dans lequel on vit…Je vous laisse méditer là-dessus… Si vous pensez que vous ne pouvez rien faire pour tenter de changer les choses, essayez au moins d’être conscient de la chance que vous avez…

Elisa Scohy

> Les aventures d’Elisa en Ouganda continuent ici : « Une épargne collective pour une vie meilleure »