A la rencontre de Denise, avicultrice modèle au Burundi

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A 60 ans, Denise Kansuraheba ne s’est jamais considérée comme une personne vulnérable. Pourtant, il suffit d’écouter son histoire pour comprendre que sa vie n’a pas toujours été facile. Sur sa colline natale de Ntaho, au nord du Burundi, elle a élevé huit enfants avec Serge, qu’elle appelle encore affectueusement « mon chéri ». Si leur complicité est restée intacte, elle a parfois été mise à rude épreuve. Longtemps, Denise disposait à peine de quoi s’acheter un pagne. Elle faisait de son mieux pour nourrir les enfants correctement, mais si l’un d’eux tombait malade, elle n’avait pas d’argent de côté pour le soigner.

Aujourd’hui, les enfants de Denise et Serge ont grandi et la plupart ont fondé leurs propres familles. La maison familiale n’est pas vide pour autant, car le couple héberge trois de ses petits-enfants. « Nous mangeons des œufs tous les jours – autant que nous voulons ! Et toutes les deux semaines, nous abattons une poule pour la manger, » explique Denise, fière d’offrir le meilleur à ses petits-enfants.

La découverte de l’aviculture moderne

Après des années de vie commune, Denise et son mari Serge continuent à former un couple uni malgré les difficultés de la vie. L’aviculture leur permet d’envisager leurs vieux jours plus sereinement. © Loïc Delvaulx

Dans leur grand poulailler, le couple élève une cinquantaine de volailles bien en chair. Les avantages ne manquent pas : leurs œufs sont d’excellentes sources de protéines et leur vente permet de générer de bons revenus. Denise en a toujours été consciente, d’ailleurs, elle a commencé à élever des poules bien avant l’appui de Vétérinaires Sans Frontières. Mais sans poulailler pour protéger sa basse-cour, l’activité était peu rentable : ses volailles passaient leur temps à se balader et à pondre où bon leur semblait, que ce soit dans les bois ou chez un voisin. Denise voyait rarement la couleur de ses œufs et de ses poussins, très vulnérables aux prédateurs.

Jusqu’à la visite de notre collègue Emmanuella, en 2017. L’animatrice lui parlé de la possibilité de croiser ses poules avec un coq de race améliorée pour augmenter leur productivité. C’est ainsi que Denise a reçu un coq, une poussinière et une formation sur les techniques d’aviculture moderne. Sept ans plus tard, Denise est devenue une avicultrice modèle. Elle garde ses poussins dans la poussinière durant leurs deux premiers mois, puis elle les déplace dans le poulailler qu’elle a appris à construire.

Des poules, des chèvres, une vache… et bientôt, une boutique

Denise et Serge ont pris trois de leurs petits-enfants sous leur toit. Ils sont fiers de leur offrir une alimentation riche grâce à la viande et aux œufs de leurs volailles. © Loïc Delvaulx

« Tout ce que j’ai aujourd’hui, c’est grâce aux appuis de Vétérinaires Sans Frontières, » conclut la grand-mère avec un sourire satisfait. Et on peut dire que Denise en a sacrément bien tiré profit : en sept ans, elle nous assure avoir vendu au moins autant de volailles qu’elle n’en possède actuellement. Elle vend aussi régulièrement des œufs.

Avec ces revenus, elle a pu agrandir son exploitation, qui s’étend à présent sur plusieurs dizaines d’ares, depuis la cour arrière de sa maison jusqu’au marais en contrebas. Elle y cultive des bananes, du manioc, du café et de l’eucalyptus. Elle possède aussi des chèvres, qu’elle a confiées à des voisins, une vache et un veau. Pour s’en occuper, elle emploie de la main d’œuvre agricole et même un bouvier. Dans un mois, leur génisse leur donnera un autre veau. Denise sait déjà à quoi il va servir : dès qu’il sera assez grand et robuste, ils le vendront pour acheter une parcelle près de la route goudronnée et y construire une boutique.

Un modèle de réussite

Depuis 2020, Denise est présidente d’une association d’épargne et de crédit réservée aux avicultrices de sa colline. Une grande fierté pour la sexagénaire. © Loïc Delvaulx

Mais la plus grande fierté de Denise, c’est avant tout d’avoir grimpé dans l’échelle sociale. Depuis 2020, elle est à la tête d’une association d’avicultrices, qui la réélisent chaque année. Tous les samedis, les 25 femmes se réunissent pour épargner et prêter de l’argent à celles qui souhaitent investir dans leurs activités. Pour récompenser leur bonne gestion et renforcer leur capital, l’Etat leur a même octroyé un prix de 500 000 francs (environ 160 euros, une petite fortune en milieu rural au Burundi). Une fois par an, elles se partagent les intérêts de l’épargne, sans toucher au capital de base.

Aujourd’hui, la sexagénaire est devenue un modèle sur la colline Ntaho. Sa réussite et sa bonne réputation lui ont aussi valu d’être désignée représentante de la justice collinaire. Désormais, c’est à elle que l’on fait appel pour régler les conflits du voisinage. « Les gens ont confiance en mon jugement. Ce qui fait ma fierté, c’est l’entraide sociale et l’esprit de collaboration que j’ai su insuffler dans mon entourage. »


Pour en savoir plus sur notre approche d’autonomisation des femmes via l’aviculture au Burundi, consultez notre fiche thématique.