Arusha bénéficie d’un microclimat qui arrose les terres fertiles, même pendant la saison sèche. Guidés par notre chauffeur dans la nuit, nous devinons bananiers, maïs, légumes et fleurs. Ils sont cultivés partout, jusqu’en bordure des routes où s’alignent des bâtiments modestes, construits de tôles, de bois, et de quelques blocs de béton.
Peter, le coordinateur local de Vétérinaires Sans Frontières nous accueille le lendemain matin et nous emmène visiter un chenil, dans le Parc National d’Arusha. Sortis de la ville, la nature est merveilleuse, généreuse, le sol est riche. Un allemand, la quarantaine, nous ouvre les portes de son chenil « M’bwa da Africa » dans lequel Vétérinaires Sans Frontières n’est pas impliqué. Une trentaine de chiens y vivent. Ils proviennent des environs d’Arusha, certains sont remis à l’adoption. Il nous parle d’une centaine de chiens par an. Les chiens sont en bonne santé, parfois amputés d’un ou deux membres, par un vétérinaire belge installé en ville. Ils ont été renversés par des voitures, écrasés par des motos, parfois mutilés. Aidés par quelques Tanzaniens et des bénévoles, ils prennent grand soin de ces chiens sans race que nous décidons d’appeler « Tanzanian village dogs » tant ils montrent tous cette même morphologie caractéristique, des chiens que nous verrons en liberté au long de notre périple.
Cette rencontre est aussi l’occasion de parler de la rage, et de la relation entre l’homme et l’animal de compagnie en Tanzanie. La vaccination contre la rage est ponctuelle, individuelle. Le responsable du chenil nous parle de ce cas récent de rage, et de deux enfants mordus. Il nous parle beaucoup des chiens, mais nous ne saurons pas vraiment ce que sont devenus les deux enfants. Ils ont reçu quelques soins, devaient revenir trois jours plus tard, sont revenus après 4 jours en réalité, et puis… je crois qu’il ne le sait pas. Il nous reparle de ses chiens. Un chien amputé passe, soutenu par un trolley. Je suis bouleversé. Je ne comprends pas. Ces personnes sont bienveillantes, ils veulent améliorer le bien-être animal et la considération des animaux en Afrique. Est-ce vraiment important? Je ne veux pas juger. J’aimerais comprendre…
Nous passerons l’après-midi à Arusha. Nous sommes des touristes. Donc riches. Nous sommes accostés sans cesse : « Jambo », « Karibu ». « Bonjour », « Bienvenue ». Les habitants cherchent le contact, ils nous emmènent au marché masaï, et au marché des fruits et légumes. Leur objectif est simple et leur tactique bien rodée. Obtenir quelques centaines de shillings (1€ s’échange contre 2270 shillings tanzaniens) en nous guidant pendant quelques dizaines de minutes, en nous frayant un passage dans les allées parfumées, en essayant de négocier pour nous un meilleur prix pour quelques fruits de la passion… Le tourisme développe décidément les mêmes activités secondaires dans toutes les villes. Je déteste cette sensation, ce sentiment d’inégalité et de puissance du riche touriste occidental. Je trouverai difficilement le sommeil ce soir-là, en me remémorant cette vieille dame sur la place de Mettet, avec une multitude de pigeons qui volent autour d’elle, lui faisant la cour pour obtenir plus de pain, et pour s’assurer qu’elle sera encore là demain. Qui se joue de qui ? Qui conditionne l’autre ?
Pierre Paindaveine, vétérinaire à Mettet, a gagné un voyage en Tanzanie à la découverte des activités de Vétérinaires Sans Frontières suite à sa participation à notre campagne « J’achète une chèvre » en 2017.