Distributions des vivres : un coup de pouce vital pour les familles déplacées au Niger

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Au sud-ouest du Niger, des familles entières, déracinées par les conflits armés, rencontrent de grandes difficultés pour se nourrir depuis quelques mois. Avec le soutien de l’Union européenne, nous avons distribué des kits alimentaires à plus de 1000 familles durant l’été 2022 dans la région de Tillabéri.

Comment se déroule une distribution de vivres dans le contexte sécuritaire volatile du Sahel ? Et quel est l’impact sur les populations ciblées ? Djibo Mazou Boubacar, coordinateur de nos projets humanitaires au Niger, revient avec nous sur le déroulement de cette opération.

Comment se déroule une séance de distribution des vivres ?

« Tout est pensé pour faciliter la distribution, fluidifier au maximum le circuit de passage et éviter les mouvements de foule. Si la population n’est pas bien préparée, il y a des risques de débordements, car les besoins sont énormes et nos kits alimentaires sont limités.

Quelques jours avant, nous établissons un planning de passage. Nous le partageons avec les chefs de villages et de quartier pour éviter les engorgements et maîtriser la foule lors des distributions. Nous organisons aussi des séances de sensibilisation, pour insister sur le respect du planning. C’est aussi l’occasion d’informer les personnes sélectionnées de la composition du kit alimentaire qu’elles vont recevoir.

Djibo Mazou Boubacar, coordinateur des projets humanitaires de Vétérinaires Sans Frontières au Niger, sur un site de distribution de vivres en juillet 2022. © 2SCom

Le jour J, un périmètre de sécurité est mis en place pour encadrer la distribution des rations. Nous mettons aussi des tentes à disposition pour que les femmes et les enfants puissent s’abriter du soleil. Les représentants des villages et des communautés déplacées sont présents sur le site pour calmer les esprits, en cas de besoin. Ce sont des leaders pour leurs communautés, et ils sont respectés et écoutés.

Chaque bénéficiaire reçoit 3 coupons : un pour les fruits, un pour les céréales et un pour le sucre, le lait et l’huile. Ensuite, les coupons sont échangés contre des vivres auprès de chaque fournisseur. Un stand de démonstration culinaire est aussi prévu pour montrer comment préparer la farine enrichie en vitamines pour les enfants. »

Dans le contexte instable qui caractérise la région, comment assurez-vous la sécurité des populations bénéficiaires lors des distributions ?

« Les distributions sont planifiées en collaboration avec les autorités coutumières, le préfet du département et les autorités communales. Ce sont eux qui nous communiquent les consignes de sécurité. Si la distribution a lieu dans un village situé hors du chef-lieu de la commune, nous intervenons très tôt le matin, et nous quittons les lieux le plus rapidement possible pour éviter tout incident. Là aussi, notre travail de préparation et d’information des bénéficiaires en amont est crucial pour que tout se passe bien. De manière générale, pour renforcer la sécurité lors des distributions, les patrouilles de sécurité redoublent d’attention dans les environs. Grâce à ces bonnes pratiques, nous n’avons enregistré aucun incident jusqu’à présent. »

Comment les bénéficiaires sont-ils sélectionnés ? Comment vous assurez-vous de n’oublier personne ?

Une famille de déplacés internes soutenue par Vétérinaires Sans Frontières au sud-ouest du Niger, où elle a trouvé refuge. © 2SCOM

« Les bénéficiaires sont sélectionnés parmi les plus vulnérables au sein des populations déplacées et de la communauté qui les accueille. Nous donnons par exemple la priorité aux ménages dirigés par une femme seule, ou composés de femmes enceintes ou allaitantes, de personnes âgées ou handicapées. Les familles issues de la communauté hôte qui accueillent beaucoup de déplacés peuvent aussi être prises en compte. Mais la vulnérabilité socio-économique reste le critère principal.

Il arrive que des personnes correspondant à ces critères arrivent sur le site après le ciblage. Dans la mesure du possible, nous essayons de leur venir en aide également. Nous avons eu un cas lors d’une des distributions l’été dernier : une femme qui ne faisait pas partie des bénéficiaires est arrivée sur le site de distribution avec son enfant. Ils avaient faim. Comme nous avions quelques kits en trop, nous avons pu leur en donner un.

Ne laisser personne de côté (leaving no one behind), c’est un des principes de base de l’aide humanitaire. Cela s’applique aussi aux personnes dans l’incapacité de se déplacer, que ce soit à cause d’un handicap, d’une maladie ou pour toute autre raison. Ceci implique la mise en place de certaines modalités spécifiques, par exemple la distribution de rations à domicile. »

Quelle est la plus-value d’une aide alimentaire pour ces personnes ?

Chaque bénéficiaire de l’aide de Vétérinaires Sans Frontières a reçu 3 coupons : un pour les fruits, un pour les céréales et un pour le sucre, le lait et l’huile. © 2SCOM

 « Notre objectif en distribuant ces kits alimentaires, c’est de permettre à chacun de subvenir à ses besoins alimentaires selon la norme internationale de 2100 kcal par personne par jour. De manière plus générale, nous intervenons dans l’optique d’améliorer directement le quotidien des bénéficiaires. Les familles déplacées et leurs hôtes traversent une période très difficile. A leur arrivée dans la zone refuge, les personnes déplacées ne connaissent personne et sont sans revenu. Elles n’ont pas de quoi s’acheter de nourriture.

Nos coupons règlent un de leurs problèmes majeurs, qui est l’accès à l’alimentation. La composition du kit (qui comprend entre autres du lait, du sucre et des fruits pour les enfants) leur permet aussi de diversifier leur alimentation. Pour les quelques personnes qui ont réussi à fuir avec une chèvre ou quelques poules, les distributions sont aussi très utiles. Grâce aux vivres reçus, elles ne sont pas obligées de vendre leur unique source de revenus pour acheter de quoi manger. »

L’opération a-t-elle bien répondu aux besoins des populations ciblées ?

Des enfants rentrent chez eux avec les vivres distribués par Vétérinaires Sans Frontières, au sud-ouest du Niger. © 2SCOM

« Après la 3ème et dernière distribution, nous avons réalisé une enquête de satisfaction auprès de 280 ménages, sur base d’un échantillon aléatoire.

D’après l’enquête, 99 % des bénéficiaires interviewés sont complètement satisfaits. Les autres se disent plutôt satisfaits, et ont relevé des améliorations possibles en termes de communication. Certaines personnes n’ont par exemple pas été bien informées du nombre de distributions, d’autres ont signalé que les tentes solaires mises à disposition pour fournir de l’ombre n’étaient pas suffisantes. Ces remarques ont été prises en compte par notre équipe, et nous veillerons à améliorer ces aspects lors de prochaines opérations similaires. Nous avons aussi mis en place un numéro vert pour que les bénéficiaires puissent nous transmettre leur mécontentements ou perceptions positives. Cela nous permettra aussi d’améliorer nos pratiques. »

Nos distributions de kits alimentaires au profit des populations agropastorales hôtes et déplacées au sud-ouest du Niger ont eu lieu durant l’été 2022 avec l’appui de l’Union européenne (DG ECHO). Depuis 1997, nous sommes actifs au Sahel et notamment au Niger pour soutenir les communautés vivant de l’élevage en vue d’améliorer leur bien-être et de renforcer leur résilience face aux chocs.