Ce vendredi 1er juin, on « fête » la Journée mondiale du lait partout dans le monde. Producteurs laitiers, transformateurs et industries saisissent l’opportunité pour attirer l’attention et mettre en lumière leurs activités en lien avec « l’or blanc ». Pour une grande partie des producteurs et productrices familiaux de lait dans le monde, cette journée n’est pas l’occasion de faire la fête.
Manneken Pis qui urine du lait, des vaches qui apparaissent devant l’Atomium à Bruxelles ou devant des monuments en Afrique de l’Ouest,… Par ces actions, nous – différentes organisations belges et acteurs de la société civile – voulons amener les gens à réfléchir sur la production laitière familiale et faire entendre les producteurs et les productrices qui veulent vivre dignement de leur production. Nous demandons aux décideurs politiques de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux filières laitières d’être viables en Europe et en Afrique de l’Ouest.
L’UE produit 24% de la production mondiale de lait
En 2016, la production mondiale de lait de vache a atteint 678,6 millions de tonnes, dont l’UE était responsable à elle seule pour 24 % (soit 164 millions de tonnes). La production africaine, quant à elle, a stagné autour des 37 millions de tonnes, issues principalement de systèmes de production d’(agro-)éleveurs transhumants. En Afrique de l’Ouest, ces éleveurs représentent environ 48 millions de personnes, et fournissent 70 % de l’approvisionnement en lait local. Les systèmes locaux de collecte, de traitement et de commercialisation du lait par le biais de mini-laiteries, de centres de collecte et d’industries locales permettent au lait de parvenir au consommateur. Ce sont surtout les mini-laiteries et les centres de collecte – où les producteurs de lait participent à la gestion – qui assurent un prix équitable pour les éleveurs.
Pourtant, la production laitière locale est confrontée à de nombreux défis. En Afrique de l’Ouest, elle ne représente que 50 % du lait consommé localement. Ceci découle d’un ensemble d’obstacles qui mettent en péril la qualité et la quantité de lait produit localement; mais c’est aussi le résultat de la concurrence inégale du lait en poudre importé, principalement d’Europe. Cette importation de lait en poudre européen en Afrique de l’Ouest pourrait augmenter de manière significative dans les années à venir, l’UE cherchant des moyens d’écouler ses stocks régulateurs de lait en poudre (s’élevant à 380 000 tonnes) sur le marché ouest-africain en pleine croissance. L’OCDE estime que la population en Afrique de l’Ouest devrait augmenter jusqu’à 500 millions de personnes d’ici 2030, et avec elle la demande en lait.
Un prix équitable pour une vie digne
C’est pourquoi nous appelons les décideurs politiques à prendre des mesures concrètes pour encourager la production familiale de lait local et équitable en Afrique. Nous voulons que les politiques et les programmes de coopération reconnaissent l’importance des systèmes de production (agro-)pastoraux et fournissent un appui technique et financier pour développer les filières locales de production laitière.
Il s’agit plus précisément de soutenir la production laitière locale par le biais des mesures suivantes :
- développer les cultures fourragères ;
- améliorer l’accès aux crédits et aux soins vétérinaires ;
- adapter et améliorer les politiques d’aménagement territorial ;
- utiliser les leviers commerciaux (par ex. le Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO dans le cadre d’Ecowas) et fiscaux (par ex. baisse de la TVA) pour favoriser la consommation de lait local, à des prix qui permettent aux productrices et producteurs de vivre dignement de leur travail.
Nous demandons également que les décideurs politiques respectent les principes de cohérence des politiques pour le développement et la souveraineté alimentaire, afin que l’Afrique puisse protéger son marché contre les importations de lait en poudre. Nous demandons notamment que ces principes soient respectés dans le cadre de négociations commerciales entre l’Europe et l’Afrique.
Enfin, nous appelons l’Union européenne à revoir sa politique agricole pour mettre un terme aux excédents structurels, garantir un prix équitable aux producteurs de lait européens et éviter le dumping de lait en poudre vers l’Afrique.
Face aux politiques laitières européennes, les producteurs familiaux européens et ouest-africain unissent leurs forces, victimes d’un modèle économique qui favorise la production industrielle au détriment des populations locales et d’une production de lait durable et équitable.
Signataires
Africa Europe Faith & Justice Network, la Coalition Contre la Faim, CNCD-11.11.11, Fairebel, Iles de Paix, Oxfam Solidarité, SOS Faim et Vétérinaires Sans Frontières