Ce devait être une journée comme les autres à Bushushu et Nyamukubi, deux petits villages situés dans le territoire de Kalehe au Sud-Kivu. Alors que chacun vaquait à ses occupations, rien ne laissait présager la catastrophe à venir le 4 mai dernier.
C’est en fin de journée que tout a basculé. « Vers 17 heures, il a commencé à pleuvoir. Subitement, il a fait tout noir. Nous avons entendu les cris des voisins et, sans savoir d’où venait le danger, nous avons fui » explique Bodari Tailleur, un éleveur de 68 ans originaire du Nord-Kivu résidant dans le village de Bushushu.
Au petit matin du vendredi 5 mai, le bilan est lourd : plus de 400 victimes humaines et des milliers de têtes de bétail perdues. Environ 3000 habitations détruites par les eaux et plus de 6000 personnes sinistrées. Bodari fait partie des riverains les plus durement touchés : « Mon épouse a été renversée par une grosse pierre et mes deux enfants et l’un de mes petits-fils ont été emportés par les eaux. Nous n’avons pas pu les sauver. Ma maison et tous mes biens ont été emportés. »
Conflits et déforestation : la double peine
Situé au Sud-Kivu, le territoire de Kalehe sert de frontière avec le Nord-Kivu. Depuis près de trente ans, différents groupes armés y font régner un climat de violences. En découle une instabilité chronique et le déplacement régulier de milliers de personnes. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), la région compterait pas moins de 107 000 déplacés internes, venant du Nord-Kivu entre autres. L’insécurité alimentaire est généralisée dans la zone, qui est par ailleurs endémique au choléra. Près de 95 % de la population de Kalehe vit avec moins d’1 dollar par jour.
La vulnérabilité des habitants les pousse à exploiter les ressources naturelles qui les entourent pour subvenir à leurs besoins. A commencer par la forêt. Le charbon de bois étant la principale source d’énergie pour approvisionner la région, la population a pris l’habitude de couper les arbres pour les brûler et les vendre. Mais le déboisement des hauts plateaux et l’érosion des terres qui en découle se paie cher. Lors des fortes pluies, la faible couverture forestière ne suffit plus à retenir la terre et les pierres que les eaux entraînent depuis les collines. C’est ce qui s’est passé à Kalehe début mai.
Une inondation sans précédent
« C’est la première fois qu’un tel drame se produit à Bushushu depuis ma naissance, » explique Rebecca Mugoli Kagenyi, 32 ans. « D’habitude, c’est plutôt ceux qui construisent au bord du lac Kivu qui sont emportés par les eaux, pas ceux qui vivent sur les flancs des collines. » C’est pourtant là que la jeune femme et ses 8 enfants ont été surpris par la montée des eaux.
« J’étais chez moi avec tous mes enfants et brusquement, il a commencé à pleuvoir. Après 40 minutes, les maisons ont commencé à couler. Mes enfants ont réussi à fuir mais l’eau m’a emportée jusqu’au bord du lac. Par miracle, j’ai pu m’accrocher à un bananier. Alerté par mes cris, un voisin qui était dans sa pirogue est venu m’arracher à la boue. Il m’a amenée jusqu’à l’hôpital car j’avais des blessures à la tête et sur les bras et les jambes. »
C’est également à un arbre que Musa Muhozi, 19 ans, doit la vie : « Je quittais le marché avec ma mère et mes frères pour rentrer à la maison quand tout à coup, les eaux nous ont encerclés. Je me suis agrippé à un avocatier sur lequel j’ai réussi à grimper. Tous les arbres ont été emportés dans le lac mais le mien a résisté jusqu’au bout. C’est ainsi que j’ai eu la vie sauve, » explique le jeune homme, qui a perdu sa mère dans la catastrophe.
Une aide alimentaire pour faire face aux besoins les plus urgents
Comme des milliers d’autres personnes, Bodari, Musa et Rebecca se sont retrouvés sans toit au lendemain de la catastrophe. Ayant perdu la quasi-totalité de leur cheptel, ils ne savent pas comment ils vont subvenir aux besoins de leur famille dans les mois qui viennent.
Pour répondre aux besoins immédiats des plus vulnérables parmi les sinistrés, nous avons organisé une récolte de fonds d’urgence. Près de 700 donateurs ont répondu à notre appel. Grâce aux fonds réunis, notre équipe au Sud-Kivu a pu organiser une distribution des vivres un mois après la catastrophe. 60 familles en ont bénéficié, dont celles de Bodari, Rebecca et Musa. Chacune a reçu 50 kg de riz, 25 kg de haricots, 5 litres d’huile et 1 kg de sel. Ce kit devrait leur permettre de subvenir aux besoins alimentaires de leur famille durant un mois.