Le bétail, garant de la survie des Sahéliens en période de soudure

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La région du Sahel, située au sud du Sahara, est l’une des régions les plus chaudes et sèches de notre planète. On y constate l’alternance de deux principales saisons : la saison des pluies, courte mais relativement intense, entre juin et septembre, suivie d’une longue saison sèche.

Au Niger, dont une large partie du territoire est couverte par le désert, les précipitations annuelles oscillent entre 100 et 600 mm selon les régions (contre 900 mm en moyenne en Belgique). En saison sèche, les températures moyennes grimpent au-delà de 40°C, limitant la disponibilité en eau et affectant gravement les activités agricoles et pastorales.

Quelles sont les conséquences pour la population rurale ?

La pénurie en eau et en ressources alimentaires atteint son paroxysme entre la fin de la saison sèche et la fin de la saison des pluies. Celle-ci affecte à la fois la population et le bétail. C’est ce qu’on appelle la période de soudure alimentaire. Pour les populations vivant de l’agriculture pluviale, c’est le moment critique où les réserves de la récolte précédente sont épuisées, mais où les nouvelles cultures ne sont pas encore prêtes à être moissonnées. La pénurie alimentaire peut alors durer quelques semaines voire plusieurs mois, généralement entre mai et août au Niger.

© 2SCOM DG ECHO distribution

Chaque année, cette situation met gravement en péril la sécurité alimentaire des populations rurales. En 2024, environ 3,4 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire sévère au Niger. La pénurie alimentaire contribue directement à l’augmentation du taux de malnutrition, en particulier parmi les plus vulnérables comme les enfants et les femmes enceintes. En 2023, 47 % des enfants de moins de 5 ans souffraient d’un retard de croissance lié à la malnutrition chronique.

Cette année, la saison des pluies a été marquée par des conditions météorologiques extrêmes. Dans plusieurs régions du Niger et du Sahel, des pluies abondantes, soudaines et violentes, provoquent actuellement de terribles inondations. Les conséquences sont dramatiques : 332 victimes humaines et 19 274 pertes animales à la mi-septembre, et environ 14 000 ha de champs et cultures dévastés. Sans compter la destruction d’habitations et la perte de stocks de vivres, qui ne font qu’augmenter la vulnérabilité de la population.

L’accès aux ressources naturelles, un défi majeur

Si la pénurie alimentaire est la conséquence la plus évidente en cas d’insuffisance ou de surabondance de pluie, d’autres enjeux cruciaux sont liés à la gestion des ressources (eau, pâturages, etc.) et à l’adaptation aux conditions climatiques. Les sources d’eau (puits et rivières) sont sous pression. Cela peut non seulement influer sur la quantité d’eau disponible, mais aussi détériorer sa qualité. On observe alors une augmentation des risques de maladies hydriques comme la diarrhée ou le choléra, ainsi que des problèmes de déshydratation et de santé liés à la chaleur.

Le dérèglement des précipitations a également un impact sur l’environnement. Qu’il pleuve trop ou pas assez, les pâturages, qui se détériorent ou s’assèchent, ne constituent plus une source suffisante de nourriture pour les animaux. Les plus faibles d’entre eux ne survivent pas, tandis que les autres deviennent moins productifs et moins résistants aux maladies. Cette pression sur les ressources limitées est à l’origine de conflits entre éleveurs et agriculteurs, qui doivent se les partager. Dans ce contexte de fragilisation de l’économie locale, marqué par la hausse des coûts alimentaires et la baisse des revenus agricoles, une partie de la population se voit contrainte de d’adopter des stratégies de survie. Il est par exemple courant de s’endetter, de vendre ses biens de production et animaux d’élevage ou de chercher d’autres sources de revenus, comme la coupe et la vente de bois. Cette activité, participant directement à la déforestation, a pour effet d’intensifier la désertification, ce qui réduit encore la fertilité des terres.

Le bétail, la clé pour subvenir aux besoins essentiels en milieu rural

© 2SCOM DG ECHO distribution

Les animaux jouent un rôle crucial durant la saison sèche au Niger, en particulier pour les familles d’éleveurs. Les vaches, chèvres et chameaux fournissent du lait, source importante de protéines et de nutriments, qui sert à l’autoconsommation. La vente de bétail ou des produits dérivés comme le lait, le fromage, le beurre, permet d’acheter d’autres denrées alimentaires ou de faire face à d’autres besoins essentiels.

Dans les zones rurales, les animaux constituent également un moyen de transport. Ils sont essentiels pour puiser et transporter l’eau, le bois et les produits agricoles sur de longues distances, surtout lorsque les sources d’eau sont éloignées. Le bétail participe aussi à la production agricole : il est utilisé comme force de travail notamment pour labourer les champs, tandis que les déjections animales servent d’engrais naturel pour enrichir le sol pour les futures cultures.

Les animaux au cœur de la solidarité

Les troupeaux ont également une grande valeur culturelle et sociale au Sahel. Dans de nombreuses cultures pastorales, le bétail est un symbole de richesse et un marqueur social. Le troupeau représente le principal capital pour les éleveurs et une forme d’épargne pour les familles d’agro-éleveurs, qui vendent les animaux pour subvenir à leurs besoins. Il joue également un rôle important dans les mariages et d’autres événements sociaux et culturels, et fait partie intégrante des us et coutumes de solidarité.

La survie des troupeaux est donc indispensable au maintien de diverses stratégies de coopération, qui aident à faire face aux défis liés à la pénurie de ressources. Les éleveurs se coordonnent pour leur transhumance : ils partagent les pâturages et points d’eau disponibles pour abreuver leur bétail en organisant par exemple des calendriers d’utilisation.

Que fait Vétérinaires Sans Frontières pour venir en aide à la population ?

Durant la période de soudure, nous apportons une assistance alimentaire aux familles les plus vulnérables. En cas de crise liée à des sécheresses sévères ou à d’autres chocs climatiques, Vétérinaires Sans Frontières organise également des distributions de cash, d’aliments pour le bétail et de médicaments vétérinaires. Ces actions d’urgence permettent d’éviter aux populations d’avoir recours à des stratégies d’adaptation négatives à court et moyen termes.

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Nous aidons aussi la population à valoriser au mieux ses activités agropastorales et soutenons des projets d’entreprenariat générateurs de revenus. Nous accompagnons ainsi de nombreux jeunes désireux de se lancer dans l’aviculture, l’agro-élevage, la transformation et la commercialisation de produits laitiers ou d’autres produits d’élevage.

Afin de veiller à la protection de l’environnement, nous soutenons également les populations dans la mise en place de pratiques de gestion durable des ressources naturelles. Nous organisons par exemple des formations sur les cultures fourragères résilientes à la sécheresse. Au Niger, les 26 Champs Ecoles agro-pastoraux installés ont déjà permis à 832 apprenants d’expérimenter des techniques agroécologiques.

A travers nos activités d’aide d’urgence et de développement au Niger, nous donnons les moyens aux plus vulnérables de traverser dignement la période de soudure. Le tout, sans avoir à sacrifier leurs moyens de faire face aux défis environnementaux et climatiques.