Ils nous emmènent directement rencontrer une organisation d’éleveurs à Kargui Bangou. Composée de 54 membres, surtout des femmes, l’organisation a reçu une somme de 2 000 000 FCFA pour l’achat de chèvres. À notre arrivée, elles sont déjà là à nous attendre, assises et très timides. Certaines allaitent leurs bébés. C’est le jour du marché et, malgré leur petit commerce qui les attend, elles veulent absolument nous parler de cette chance qu’elles ont eue de commencer l’élevage de chèvres.
Les chèvres, ou le début de l’indépendance des femmes
Le président de l’organisation nous introduit et nous remercie de venir de si loin. Après quelques minutes, les langues se délient et une très belle femme vêtue de jaune nous explique en français qu’elle a reçu des chèvres il y a 3 ans. Une autre femme, très volubile, fait rire toute l’assemblée. C’est la vice-présidente du groupe, Fati. Elle nous explique que ses chèvres sont « son bien » et qu’elle les soigne avec l’aide de ses enfants. Pas question que son mari lui dise ce qu’elle doit faire, pas question qu’il en fasse le commerce, « tout est pour elle » et elle en est très fière. Tout se passe bien car elle suit les conseils de l’agent communautaire de santé animale en ce qui concerne les vaccinations, le déparasitage et la nutrition.
Après une petite discussion avec toute l’organisation, elle nous emmène voir son petit élevage de chèvres. Elles sont gardées dans un petit abri construit avec des branches et des nattes de feuilles de palmiers. Elles sont à l’ombre, reçoivent de l’eau et un petit complément alimentaire composé de son de riz ainsi que du foin à volonté. Ses 4 chèvres ont mis bas cette année et il y a 7 chevreaux. Cela fait maintenant trois ans que cette femme a reçu ses chèvres. Avec l’argent qu’elle met de côté, elle peut plus facilement faire soigner ses enfants, acheter des fournitures scolaires… Elle a déjà donné 2 chèvres à un membre de sa famille dans le besoin, et elle a déjà économisé pour pouvoir s’acheter une vache.
En faisant le tour du marché pour rejoindre notre voiture, nous sommes suivies par une nuée d’enfants qui épient tous nos faits et gestes… Nous reprenons finalement notre route, car le Maire de la commune de Kargui Bangou nous attend, avec le président de la commission foncière communale.
Agro-éleveurs et transhumants : une cohabitation difficile
Après les introductions d’usage, il nous explique les difficultés de le cohabitation entre les agro-éleveurs et les éleveurs qui pratiquent la transhumance. En effet, les éleveurs nomades traversent depuis des siècles le Niger, le Bénin, le Nigéria et le Togo, faisant paître leurs troupeaux sur les terres se trouvant sur leur passage.
Bien que ces transhumances soient ancestrales, il arrive encore que des conflits surviennent, principalement quand les cultures sont en retard et que les éleveurs causent des dégâts sur les champs, dont la production n’a pas encore été récoltée. Mais cela peut aussi arriver en cas de sécheresse prolongée, quand l’herbe vient à manquer et que trop de troupeaux se retrouvent au même endroit pour pâturer. Les retards dans la campagne de vaccination, faute de livraison des vaccins, forcent aussi les éleveurs à rester au pays pendant plus longtemps, en attendant que les vaccins nécessaires au passage des frontières soient en ordre…
Pour un meilleur partage des ressources naturelles
Ce type de situations a nécessité la cartographie des ressources naturelles de la région (aires de regroupement, points d’eau communautaires,…) et la mise en place de couloirs de transhumance. Pour ce faire, les autorités communales de Kargui Bangou ont bénéficié de l’aide d’un projet spécifique, qui a permis de délimiter les différentes aires à l’aide de bornes (piquets de béton blanc et rouge au sommet) sur des milliers de kilomètres.
Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, avant de quitter la commune, nous partons observer un couloir de transhumance ainsi qu’un point d’eau important pour les pasteurs. Petit à petit, les réalités des éleveurs nous paraissent de plus en plus claires…
Josette Ghysen