Partout dans le monde, nous assistons à une augmentation inquiétante des inondations de grande ampleur, des sécheresses persistantes et des vagues de chaleur dues au changement climatique. C’est le cas également au Sahel, la région de savane africaine située entre le désert du Sahara et la région tropicale au sud, qui s’étend sur des milliers de kilomètres de l’océan Atlantique jusqu’à la mer Rouge à l’est. Dans cette région, la population pauvre est de plus en plus souvent frappée par des conditions climatiques extrêmes.

La Mauritanie est le pays le plus durement touché par le changement climatique

De tous les pays du Sahel, c’est la Mauritanie qui a été le plus durement touché ces dernières années. Ce pays, dont 90 % du territoire est situé dans le désert du Sahara, est particulièrement vulnérable aux catastrophes climatiques. En 2012, une année encore bien présente dans l’esprit de nombreux Mauritaniens, beaucoup ont tout perdu. La population est encore traumatisée par ce qu’elle a vécu à l’époque. La crainte d’une nouvelle catastrophe est devenue réalité lorsqu’une sécheresse terrible a de nouveau frappé le pays au début de l’année 2021 jusqu’à l’été 2022, la pire depuis une décennie.

De nombreux animaux ont succombé pendant les mois les plus chauds à la fin de la saison sèche. ©️Tim Dirven

À cause de la sécheresse persistante, les pâturages on produit jusqu’à 80 % d’aliments pour bétail en moins. Pour le bétail, cela s’est traduit par un déclin rapide de leur condition physique. Confrontés à une perte de poids et à un système immunitaire affaibli, de nombreux animaux ont succombé entre avril et juin 2022, les mois les plus chauds à la fin de la saison sèche.

Pour Moustapha Ould Mami aussi, ce fut aussi une réalité impitoyable : « Jusqu’il y a peu, j’étais éleveur, mais à cause de la sécheresse, j’ai perdu toutes mes bêtes, » raconte-t-il, très affecté. « Nous n’avions pas d’autre choix que d’abattre des arbres pour vendre du charbon de bois. Mais même avec cet argent, nous pouvions à peine acheter de quoi manger. Nous ne pouvions même pas envoyer les enfants à l’école à cause de la famine. »

La chute des prix du bétail et la hausse des prix des aliments, qui sont une conséquence de la guerre en Ukraine, ont conduit de nombreux éleveurs au bord de l’extrême pauvreté. Ils essaient à présent, souvent en vain, de garder en vie le bétail qui leur reste jusqu’à la prochaine saison des pluies et de le laisser reprendre des forces afin de pouvoir en tirer un meilleur prix. La violence armée dans les pays voisins aggrave les conditions de vie déjà précaires des éleveurs pastoraux mauritaniens. Pendant ces périodes de sécheresse extrême, ils migrent généralement vers le Mali, mais le conflit qui sévit dans ce pays voisin rend inaccessibles ces itinéraires de pâturage traditionnels.

Par le chas de l’aiguille

Vatimetou prépare de la bouillie avec de la farine enrichie pour ses jeunes bébés. ©️Malika Diagana

La sécheresse prolongée, la hausse des prix des denrées alimentaires et la violence de la guerre au Mali se sont traduites par une augmentation des taux de malnutrition. Plus de 20 % de la population a été confrontée à une insécurité alimentaire aiguë et des communautés entières sont devenues dépendantes de l’aide alimentaire pour survivre. Ce sont les familles sans bétail qui ont été les plus durement touchées.

« Lorsque la saison des pluies est bonne, nous cultivons des haricots et des pastèques, mais ces deux dernières années, c’était impossible. Nous avons vraiment souffert de la faim. Les enfants devaient chercher de la gomme arabique dans les acacias pour apaiser leur faim, » raconte Vatimetou Mint Devaye.

Posséder du bétail est une forme d’assurance contre les chocs climatiques. En périodes de sécheresse ou dans d’autres situations d’urgence, le bétail peut être vendu contre de la nourriture et d’autres produits de première nécessité. L’élevage – et plus précisément l’élevage pastoral ou l’élevage transhumant – leur permet de s’adapter aux conditions climatiques imprévisibles et de subvenir à leurs besoins même dans l’adversité.

Chaque famille a également reçu en moyenne 70 euros en espèces par mois. ©️Malika Diagana

« Vous avez vu mon mouton ? Je l’ai acheté avec l’argent que j’ai reçu. Aujourd’hui, je suis redevenu éleveur, » nous explique fièrement Sidaty Ould Khattar. « Chaque chèvre que je peux vendre me rapporte de l’argent pour acheter de la nourriture pour les enfants et je peux même économiser un peu. Vous voyez, notre situation s’améliore vraiment ! »

Pour répondre aux besoins des familles touchées, Vétérinaires Sans Frontières a organisé des distributions de nourriture et d’argent de juillet à octobre 2022. Après une inspection minutieuse, nous avons distribué de la viande fraîche à 4 176 personnes vulnérables. En plus de 9 kg de viande, chaque famille a reçu en moyenne 70 euros en espèces par mois. Cela leur permet de subvenir à leurs besoins alimentaires pendant les trois derniers mois difficiles avant l’arrivée de la prochaine saison des récoltes. Les familles avec des femmes enceintes ou allaitantes ont reçu en plus 18 kg de farine enrichie.

Après une inspection minutieuse, chaque famille a reçu 9 kg de viande fraîche par mois. ©️Malika Diagana

Vatimetou Mint Devaye : « Grâce à cette aide, nous pouvons retrouver notre dignité d’être humain. Avant, nous nous sentions sales et désespérés. Nous n’avions même pas d’argent pour acheter du savon. » Elle a soigneusement suspendu la viande qu’elle a reçue sur des cordes pour la faire sécher et ainsi pouvoir la conserver plus longtemps.

Être plus résilients face aux chocs climatiques

Ces deux dernières années, les précipitations ont été quasi inexistantes. Mais la saison des pluies tant attendue qui s’étend de juillet à septembre a cette fois été un véritable déluge. Les précipitations ont été supérieures de 600 % à la moyenne et ont provoqué des inondations dévastatrices.

L’incertitude climatique, avec des sécheresses persistantes alternant avec des inondations catastrophiques, favorise également la propagation de nombreuses maladies animales et l’érosion massive des sols. Pour que la population locale puisse être mieux armée pour faire face aux futurs chocs climatiques, nous renforçons leurs capacités à long terme avec l’aide de nos donateurs. Nous misons sur le fonctionnement du réseau local de santé animale, nous proposons des formations aux éleveurs afin qu’ils puissent prendre les bonnes mesures à l’approche d’une catastrophe climatique (selon les Livestock Emergency Guidelines and Standards) et nous investissons dans des infrastructures pour prévenir l’érosion et restaurer les sols.

Posséder du bétail est une forme d’assurance contre les chocs climatiques. ©️Tim Dirven

Il s’avère systématiquement que ce sont toujours les régions les plus pauvres, où vivent les personnes les plus vulnérables, qui sont les plus touchées par les phénomènes météorologiques extrêmes. La Mauritanie n’a plus le temps d’attendre que la politique internationale fasse preuve de courage. C’est pourquoi nous aidons aujourd’hui la population locale à s’adapter au changement climatique dont elles ne sont pas responsables, mais qu’elles subissent déjà de plein fouet.

Suite à l’impact réussi de nos interventions pour établir un secteur laitier productif dans les années 2000, VSF-B est de retour en Mauritanie depuis l’été 2020 avec une stratégie intégrée pour la santé. Nous nous engageons sur les trois piliers de One Health à travers des interventions pour la conservation et la restauration des sols, l’amélioration des soins de santé animale et des interventions d’urgence pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages vulnérables aux chocs climatiques. Nous mettons en œuvre nos actions dans le cadre de ce dernier pilier avec le soutien de l’Union européenne – Protection Civile et Operations d’Aide Humanitaire Européennes, comme l’illustre cet article.