Dans de nombreux pays d’Europe, des producteurs laitiers ont épandu aujourd’hui de la poudre de lait dans les champs, en signe de protestation. Nos organisations soutiennent cette action et alertent sur la menace que fait planer cette crise pour les producteurs européens, mais aussi pour les filières de lait local en Afrique de l’Ouest.
Les éleveurs laitiers européens sont une nouvelle fois confrontés à une crise grave : les mesures de confinement prises pour faire face au COVID 19 ont conduit à un effondrement du prix du lait dans un contexte de prix déjà tendus par une surproduction structurelle.
La Commission européenne a décidé de privilégier le stockage plutôt que de réduire la surproduction. Or, qui dit « stockage », dit « déstockage ». Comme par le passé, celui-ci tirera vers le bas les prix payés aux producteurs européens pendant de longs mois, et favorisera les exportations de poudres de lait bon marché, en particulier vers l’Afrique de l’Ouest.
Or, la filière de lait local en Afrique de l’Ouest est déjà fragile, bénéficiant de peu de soutiens publics. La crise du COVID-19 aggrave cette vulnérabilité. Les chaînes d’approvisionnement sont perturbées, impactant directement les petits producteurs : les mini-laiteries situées dans les villes ferment ou réduisent fortement leurs volumes, car le lait produit aux alentours ne peut être acheminé vers les villes en quarantaine.
Sidibé Moumouni, responsable de la laiterie Kossam de l’Ouest de Bobo (Burkina Faso) témoigne : « Ma laiterie fonctionne au ralenti et jusqu’à présent, je ne m’y retrouve toujours pas. La fermeture des marchés a condamné beaucoup de revendeurs à fermer, si bien qu’on arrivait difficilement à écouler le peu qu’on produisait. En un mois, j’ai perdu plus de 6 millions de CFA (= 9000 €). »
La Commission européenne vient d’accorder une aide exceptionnelle de 194 millions d’euros pour soutenir les pays du Sahel, tous secteurs confondus. Ce soutien fait sens pour une région déjà fragilisée par les inégalités et les crises sociales et humanitaires corrélées à la dégradation du contexte sécuritaire. « Mais les efforts confondus des producteurs ouest-africains, des Etats et de l’aide internationale pour répondre à la crise ne doivent pas être annulés par des mesures d’appui au stockage européen qui favoriseront les exportations à bas prix vers ces mêmes pays. Des exportations peuvent être utiles, mais uniquement si elles viennent compléter l’offre locale, sans nuire au développement de la filière ouest-africaine de lait local. », prévient Amadou Hindatou, coordinatrice de la campagne « Mon lait est local ».
L’Europe ne doit pas reprendre d’une main ce qu’elle donne de l’autre. La sortie de crise ne doit pas se faire, comme par le passé, par l’exportation des excédents vers les marchés africains.
Producteurs ouest-africains et européens partagent des intérêts communs : N’exportons pas nos problèmes. Nous demandons à l’Union Européenne de prendre les mesures nécessaires et solidaires qui permettent aux producteurs d’Afrique et d’Europe de vivre dignement de leur travail, reconnaissant par là leur rôle de première ligne face à la crise que nous traversons.
Les organisations signataires : APESS, Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savanne / Campagne Ouest Africaine « Mon Lait est Local » / Comité Français de Solidarité International / GRET / Oxfam-Solidarité / Oxfam-France / Oxfam au Burkina Faso / SOS Faim Belgique /Union Nationale des Mini -Laiteries et Producteurs de Lait du Burkina Faso /Vétérinaires Sans Frontières Belgique