Premières impressions rwandaises

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Lorsque nous souhaitons aider des personnes, des populations qui n’ont pas le même accès que nous, Européens, à la santé, à la nourriture, au crédit, au matériel… il faut apprendre à faire fi de nos émotions, de nos convictions dus à notre éducation, à notre vécu et les visites de ce jour m’ont confirmé ce fait.

La première visite à 7h (et oui, ce ne sont pas des vacances !) était l’abattoir rural de Ngoma (province de Huye, au Sud du Rwanda). Ma première vision et réflexion était que le personnel semblait beaucoup trop important et que les règles d’hygiène faisaient défaut. Mais force est de constater que le groupe d’environ 20 abatteurs présents était très bien structuré, chacun s’acquittant de sa tâche avec précision. Aucune aide mécanique donc pas d’étourdisseur (mais un couteau effilé asséné de manière « chirurgicale » au sommet du crâne donne le même effet) ; pas de treuil (donc la bête est pendue à un crochet avec l’unique force des bras de plusieurs hommes) ; et le temps entre la saignée et le rassemblement de la bête presque complètement débitée sur l’étal pour l’inspection vétérinaire n’est pas plus long que 20 minutes (donc le temps de contamination possible est réduit, dans cette zone climatique et avec les moyens à leur disposition). Le contrôle sanitaire est efficace et correspond à nos mêmes procédures : un foie larvé de douves n’échappe pas au vétérinaire en service.

Bref, plus 20 bovins prêts à partir chez les bouchers en moins de 2 heures – un travail vite fait et bien fait.

Après le petit déjeuner, rencontre avec les membres du partenaire local de Vétérinaires Sans Frontières, Imbaraga, qui nous présente les activités mises en place ici au Rwanda autour de différents volets :

  • Formation et aide au crédit aux Vétérinaires Privés de Proximité (techniciens et Docteurs Vétérinaires) ;
  • Mise en place d’activités génératrices de revenus autour de l’élevage et de l’agriculture ;
  • Mise en place de bio-digesteurs pour récolter le méthane afin de l’utiliser comme gaz combustible en cuisine (et limiter l’utilisation du bois) ;
  • Appui aux plus pauvres par l’octroi de 4 chèvres par famille.

Je leur demandais pourquoi on ne troque pas les chèvres contre des porcs, pensant que ceux-ci étant omnivores, ils pourraient mieux valoriser les déchets. Je me suis fait gentiment remettre à ma place. Les familles soutenues ici sont tellement pauvres qu’il n’y a pas de déchets et c’est d’ailleurs une compétition pour les familles de devoir s’alimenter avant de nourrir leurs animaux…

Vétérinaires Privés de Proximité

L’après–midi nous réservait la rencontre de deux vétérinaires privés de proximité. Non seulement les deux étaient sympathiques, passionnés par leur métier et plein de projets pour leur futur, mais l’aide apportée à ces deux Rwandais par Imbaraga avec le soutien financier et logistique important de Vétérinaires Sans Frontières était super concrète et avait changé leur cadre de vie professionnel. En effet, la formation reçue (entre autres l’insémination artificielle) conjuguée à l’accès au micro-crédit leur permettant d’avoir un stock de médicaments qui répond à la demande des éleveurs et l’achat d’une moto pour se rendre chez les éleveurs plus facilement qu’en mototaxi, leur permettait d’être plus efficaces pour une meilleure santé animale.

Gabriel, l’un des deux vétérinaires, nous expliquait d’ailleurs qu’avant, avec le mototaxi qui laissait « le compteur tourner » pendant sa visite, il n’avait pas le temps de faire son travail de communication sur les préventions sanitaires et avait moins de contact avec son éleveur pour créer un climat de confiance.

Pour clôturer, je reviendrais au début de mon texte car en réfléchissant en tant que vétérinaire et défenseur de la profession, je me disais que l’aide était apportée « seulement » (dans les deux cas de ce jour) à des auxiliaires vétérinaires, mais vu le peu de vétérinaires (380 pour 12 millions d’habitants dont 70 % d’éleveurs) et le fait que la majorité ne pratique pas dans les zones rurales… je revois mon jugement et me dit qu’il faut connaitre et s’adapter à la réalité du terrain avant de vouloir donner des leçons.

Butare, dans les milles collines,

Jean-Luc Arendt, vétérinaire et ambassadeur de Vétérinaires Sans Frontières