Nous visitons ce jeudi un groupement apicole à Nyanza composé seulement de femmes. À l’origine, ces veuves se sont regroupées pour épargner ensemble car elles rencontraient les mêmes problèmes sociaux. Par la suite, comme certaines avaient eu des époux apiculteurs, elles se sont lancées dans l’achat de ruches. Mais elles manquaient de technique, de structure et de gestion, c’est pourquoi elles ont reçu en 2017 l’appui de Vétérinaires Sans Frontières et ARDI, un autre de ses partenaires locaux. Grâce à leurs conseils techniques, leur groupement est mieux ordonné et compte désormais une présidente, une secrétaire et une trésorière. Les 28 membres se réunissent tous les vendredis et ont pu développer également d’autres activités rémunératrices comme la couture, la culture de légumes, la fabrication de bière à base de sorgho et la création de sous-produits de la ruche.
Avant l’appui de Vétérinaires Sans Frontières, les apicultrices jetaient la cire, pensant qu’elle n’avait pas de valeur. Actuellement, elles commercialisent – contrat à l’appui – des cosmétiques à base de cire et d’herbes naturelles en plus du miel (un pot de miel ou de crème coûte 2000 francs rwandais, soit 2 euros). Fortes de leur épargne coopérative (les livrets d’épargne et la formation ad hoc ont été fournis par Vétérinaires Sans Frontières), de la diversité et de la qualité de leurs produits, elles ont pu acheter un terrain (1716 m² pour 800 euros) dont elles nous montrent fièrement l’acte de propriété.
Vu leur manque de moyens financiers, elles ont dû coopérer pour progresser, pour unir leur épargne. Voici une belle leçon de vie ; je pense qu’à l’avenir, si nous occidentaux voulons réussir, nous devrons laisser tomber l’individualisme et avoir recours à la solidarité coopérative pour exister. Depuis le début de ce voyage, je constate qu’il y a beaucoup de leçons à apprendre ici au Rwanda pour notre gouvernement belge ! Le ministère rwandais interdit par exemple de fumer en public, et je confirme que depuis 5 jours, je n’ai pas rencontré un seul fumeur ! Quelle belle éducation pour la jeunesse. J’ai déjà dit que les routes et abords étaient très propres et cela est aussi dû à l’interdiction formelle de recourir aux sacs plastiques d’emballage, avec des amendes sévères en cas de non-respect.
L’après-midi, nous participons à la réalisation d’un jardin de cuisine chez des paysans vulnérables qui sont en attente de leur cheptel. Accompagné de Victoria, qui est mon homologue pour la Flandre, Aude, chargée de communication et de récolte de fonds pour Vétérinaires Sans Frontières, et Mélusine, une étudiante agronome en stage au Rwanda pour 3 mois, nous mettons la main à la houe et à la pelle et tressons avec des feuilles de sisal les contours du potager qui accueillent la terre et le compost avant la plantation de betteraves, oignons et autres choux. Il ne reste plus qu’à arroser ! En nous rendant chercher de l’eau à la rivière, nous empruntons un long sentier escarpé et vallonné. Nous comprenons encore plus le travail harassant de ces éleveurs-agriculteurs pour pouvoir se nourrir et vivre au quotidien.
Vendredi matin, c’est avec Védaste que nous avons rendez-vous. Il fait partie des vétérinaires privés de proximité soutenus par Vétérinaires Sans Frontières et nous allons le suivre dans ses visites chez ses clients éleveurs. Il a été formé il y a 4 ans et me dit fièrement qu’il insémine depuis lors avec un taux de réussite de 65 %. La première visite nous conduit chez une personne très pauvre qui possède une vache et un veau. La vache ne mange plus, a du mal à se tenir sur ses 4 pattes et ne défèque plus. Après son examen, Védaste nous annonce que l’animal souffre d’anaplasmose, une maladie infectieuse transmise par les tiques. Mais le plus difficile pour lui est de demander à sa cliente si elle a de quoi payer le traitement car le coût s’élève à 8000 francs rwandais pour les produits du traitement et 2000 francs rwandais pour ses honoraires (soit 10 euros au total), ce qui est une somme considérable pour cette famille vulnérable. L’éleveuse s’engage à payer en deux fois.
Les autres visites du jour, avec un autre vétérinaire du réseau, sont toutes consacrées à des bovins souffrant d’une maladie transmise par les tiques (theilériose). Le vétérinaire rappelle donc chaque fois à ses clients les préventions et traitements hebdomadaires d’usage pour lutter contre ces parasites. Pour diversifier, nous assistons également à l’écornage d’un veau, pour lequel la contention est primordiale afin d’obtenir une efficacité totale, comme le disait mon professeur vétérinaire Léon Lassoie.
Jean-Luc Arendt, vétérinaire et ambassadeur de Vétérinaires Sans Frontières