À la découverte de l’or blanc de Ouahigouya

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Nous sommes accueillies par Brahim Diallo, président de l’Union nationale des mini-laiteries et producteurs de lait local au Burkina Faso (UMPL-B), à la laiterie FaireFaso. La laiterie a été créée en 1990 par des éleveuses Peul qui vendaient leur lait en porte-à-porte et souhaitaient se regrouper pour former leur propre unité de transformation.

Pour un lait équitable

Il faut savoir que le lait est une affaire de femmes au Burkina. Elles ont pu bénéficier d’un projet pilote du gouvernement pour se former à la transformation des produits laitiers. Les producteurs de lait qui livrent dans cette laiterie font partie du label FaireFaso, qui garantit un lait équitable. « Le litre de lait est acheté 300 francs CFA, il est livré le matin et le soir par les éleveuses elles-mêmes » nous explique Brahim Diallo. « Je suis fière car mon lait est de qualité et bien payé, je suis fidèle à la laiterie, » témoigne une éleveuse venue nous rencontrer. Ces femmes ont trouvé une satisfaction sociale à travailler en regroupement.

La laiterie a une capacité de transformation de plus de 500 litres par jour, mais les zébus peuls ne sont pas des championnes de production comme nos races européennes et souvent le maximum qu’une éleveuse peut ramener ne dépasse pas les 10 litres. Brahim nous explique qu’ici, « avec 5 vaches, on peut nourrir 10 à 20 personnes ». Le lait est pasteurisé (600 francs CFA/litre) ou transformé en yaourt (700 francs CFA) pour ravitailler 3 points de vente à proximité de la laiterie ainsi que quelques magasins de Ouahigouya et de la capitale. La laiterie fonctionne en partenariat avec Fairebel et Oxfam pour améliorer la qualité du lait et pour un soutien plaidoyer.

Du lait et du yaourt grâce à l’énergie solaire

La laiterie Kessene a été créée en 2011 et s’est installée dans ses nouveaux locaux en début d’année, avec le soutien de Vétérinaires Sans Frontières et de la confédération suisse. Le personnel a été formé grâce à des modules réalisés par Vétérinaires Sans Frontières. Ici, le lait est collecté matin et soir chez les éleveurs par des collecteurs équipés de motos ou de vélos. L’innovation de la laiterie est de fonctionner à 100 % avec l’énergie solaire pour parer à d’éventuelles coupures d’électricité, catastrophiques pour la conservation des produits.

Les prix d’achat et de vente sont les même que chez Fairefaso. Une fois le lait pasteurisé à 90°C, il est mis en sachet ou en bouteille et vendu à la laiterie ou à Ouagadougou. Du yaourt est également produit. La qualité du lait est contrôlée dès son arrivée : un contrôle de densité est réalisé, ainsi qu’un contrôle d’acidité en cas de doute. Faute de budget, aucun autre contrôle ne peut être réalisé. L’unité de transformation de Kessene a une capacité de 300 litres.

Lait en poudre et insécurité foncière

Au cours de ces visites, nous nous sommes rendu compte de la difficulté des éleveurs à promouvoir le lait local face à la grande concurrence du lait en poudre. « Le pays importe énormément de lait en poudre et le consommateur n’est pas bien informé, d’où l’importance du plaidoyer » nous explique Brahim Diallo. Surtout que la baisse du prix du lait en Europe a une répercussion sur le prix de la poudre de lait sur les marchés mondiaux, ce qui rend l’importation d’autant plus importante. D’après le président de l’UMPL-B, « le potentiel est là, il suffit d’avoir le marché ». Mais les éleveuses nous confient qu’elles pourraient être plus riches en vendant du lait en poudre… car même si le lait en poudre est vendu moins cher que le lait local, avec 230 francs CFA de poudre on peut reconstituer un litre de lait.

Autre problème que rencontrent les éleveurs de la région : l’insécurité foncière. La ville grignote les terres réservées aux cultures, qui à leur tour empiètent sur les zones de pâturage des éleveurs pastoralistes. Dans cette région du Nord, tout conflit entre pasteurs et cultivateurs peut facilement dégénérer et devenir un terrain propice au radicalisme religieux. Pour y remédier, la laiterie Kessene a déjà pris les devants en proposant un pâturage accessible aux éleveuses de la laiterie ainsi que des forages installés aux abords de la ville. Brahim Diallo est quant à lui en pourparlers avec les autorités locales pour accorder des terres réservées au pâturages pour les éleveurs du label FaireFaso.

De cette journée de rencontres, nous retiendrons surtout une phrase, une sorte de devise pleine d’espoir qui, on l’espère, deviendra réalité : « appuyer les petits pour qu’ils deviennent grands ».

Laurine Pégorier, étudiante en médecine vétérinaire 

Ce voyage d’échange a été organisé par Vétérinaires Sans Frontières, dans le cadre d’un concours pour les étudiant-e-s en médecine vétérinaire organisé avec le soutien de la coopération belge au développement.