Pour notre dernier jour sur le terrain, nous visitons à nouveau un marché à bétail, dans un autre village cette fois, où le vétérinaire privé Védaste tient sa pharmacie. Quel contraste avec notre première visite sur place hier : tout était vide et aujourd’hui nous avons du mal à reconnaître l’endroit tant cela grouille de Rwandais, venus sur place pour le marché aux bestiaux mais aussi pour les fruits et légumes, les épices, les tissus… Dans tous les coins, de nombreux artisans proposent leurs services pour réparer vélos ou chaussures, confectionner des vêtements, etc… Nous observons amusés le spectacle de cette véritable fourmilière où chacun s’acquitte de sa tâche avec enthousiasme et précision.
Sur la route pour accéder au marché, tous les moyens de transports sont bons pour amener son animal. Dans ce domaine, le Rwanda devrait s’inspirer de la Tanzanie, où les conditions de transport doivent respecter les normes de bien-être animal ! Ici, ce n’est pas encore le cas et nous avons croisé une personne transportant 45 coqs et poules vivants sur son vélo et un autre avec un cochon ficelé sur son porte-bagages…
Nous allons saluer Védaste, qui accueille les nombreux éleveurs dans son officine. Il leur vend des médicaments et donne les conseils de traitement pour leurs animaux. Au départ, quand il a reçu l’appui de Vétérinaires Sans Frontières, il n’avait pas de pharmacie et pensait que ça lui prendrait du temps qu’il ne pourrait pas consacrer à ses visites. Aujourd’hui il est convaincu du bien-fondé de cette permanence et se réjouit d’avoir suivi les conseils de l’ONG pour pouvoir faire de la prévention. La lutte contre les tiques, vecteurs de nombreuses maladies infectieuses, est primordiale au Rwanda et nous en avons fait l’expérience dans nos visites sur le terrain.
Partenaires locaux
Après un dimanche de détente passé au Lac Kivu, nous retournons à Kigali, pour rencontrer différentes organisations partenaires de Vétérinaires Sans Frontières. Nous rencontrons d’abord l’équipe du bureau national d’Imbaraga, association paysanne depuis 1992. Le directeur ne cache pas sa grande satisfaction d’avoir Vétérinaires Sans Frontières comme partenaire depuis 12 ans. Leur but initial était d’obtenir un statut au paysan et de lui donner accès aux administrations comme tout autre travailleur, à une époque où les éleveurs et agriculteurs étaient mal considérés.
Ici, la superficie moyenne dont dispose un agriculteur est de 0,7 hectare ! Imbaraga aide ses membres à augmenter leur production dans le respect de l’environnement et à avoir accès au marché afin de vendre une production de qualité à prix justes et équitables. L’association a aussi fait du plaidoyer afin que les lois foncières soient d’application pour les terrains agricoles.
Nous nous rendons ensuite à l’ambassade belge pour rencontrer les nouveaux attachés économiques et leur présenter les activités de Vétérinaires Sans Frontières au Rwanda. Victoria, représentante de Vétérinaires Sans Frontières en Flandres pour un an, et moi-même pouvons faire part de nos observations sur le terrain, de la qualité des activités concrètes de Vétérinaires Sans Frontières et de la transparence de leur gestion financière.
Le déjeuner de travail qui suit sera partagé avec un représentant de l’Ordre des vétérinaires rwandais. Celui-ci nous explique les missions de l’Ordre, qui comprend entre autres un volet de formation (ce qui n’est pas le cas en Belgique, où il est à charge de l’union syndicale vétérinaire, l’UPV). Ils font appel à nous pour chercher un docteur vétérinaire belge qui pourrait accueillir un homologue rwandais – ou se rendre sur place, ce qui permettrait de former plus d’un vétérinaire – et renforcer ses connaissances en chirurgie des ruminants et en techniques de laboratoires sur le terrain.
Un dernier rendez-vous nous attend au bureau national de Ardi (association rwandaise pour la promotion du développement intégré), référence nationale en matière d’apiculture. L’association soutient 25 coopératives agricoles dont 40 % des membres sont des femmes. Ils observent une diminution des colonies d’abeilles dans certaines régions du pays à cause de l’utilisation non-raisonnée des pesticides sur les cultures de maïs et de pommes de terres, mais aussi du changement climatique et de la déforestation. Le miel venant de régions sans pesticides répond cependant aux normes de qualité fixées par l’office du Standard Bord et peut donc être exporté pour la plus grande joie des consommateurs.
Un travail essentiel
Notre séjour touche à sa fin et au cours de ces dix jours, j’ai pu constater qu’avec un peu d’aide financière (sous forme de cheptel et d’une formation adéquate), il est possible d’apporter un avenir heureux à des personnes vulnérables dans un pays pauvre mais aux idées progressistes. Le travail de Vétérinaires Sans Frontières avec ses partenaires locaux est très bien structuré, basé sur des idées d’aide simples mais efficaces et adaptées au contexte local.
Ce voyage me conforte dans l’idée qu’il faut aider les Africains dans le pays qui leur est cher pour ne pas séparer des familles, ne pas les déraciner. Le travail de Vétérinaires Sans Frontières – sauver des vies humaines en réduisant la pauvreté par une aide apportée à l’élevage familial local tout en respectant l’environnement – m’apparaît ici comme essentiel. Chacun peut y contribuer selon ses moyens et peut faire confiance aux équipes de Vétérinaires Sans Frontières pour une utilisation et une gestion parfaites de l’aide financière apportée.
Jean-Luc Arendt, vétérinaire et ambassadeur de Vétérinaires Sans Frontières