Samedi matin, nous nous mettons en route pour Kaabong, un district situé à environ 200 km au nord de Moroto. Charles nous accompagne. Il travaille pour Vétérinaires Sans Frontières depuis quelques années et sera notre traducteur et « guide » pour les 3 prochains jours. Il connait la culture Karimojong depuis le plus jeune âge ayant lui-même gardé les troupeaux quand il était enfant. Il est très proche des gens et fait un travail énorme dans les communautés ! Les gens lui font confiance et il semble investi à 100 %…
Après 4 à 5 heures de route, nous arrivons enfin à Kaabong. Cette ville semble plus petite que Moroto mais tout aussi animée. Bien qu’un peu plus vert, le paysage ne change pas beaucoup ! Après un bref passage à l’hôtel et un dîner local, nous nous mettons en route vers une communauté située à environ 1h30 de Moroto. La route donne l’impression que l’on se trouve au milieu de nulle part, et on se rend vite compte que c’est le cas.
L’épargne, la clé de l’éducation
Nous arrivons dans une communauté dans laquelle une épargne « VICOBA » a également été mise en place. Cette fois, le groupe d’épargne est composé principalement de femmes. Elles nous accueillent en dansant et chantant ! L’émotion pour nous est énorme… Elles semblent tellement heureuses de nous voir, et leur énergie est impressionnante. Soudain, on entend nos noms dans la chanson et on se fait embarquer pour danser. Je pense que Inge et moi sommes bonnes pour prendre quelques cours. Tuwa, notre chauffeur, prend un malin plaisir à filmer la scène avec son sourire tellement contagieux ! Tout le monde s’y met, même le grand-père avec sa canne, il est tellement marrant ! Charles nous expliquera par la suite qu’il arrive que la communauté ne reçoive pas de visite extérieure pendant plus d’un an à cause de l’isolement du village.
Nous nous asseyons ensuite et les villageoises nous présentent leur projet. Les enfants, assis tous ensemble dans un coin, nous observent en rigolant ! Ils ne sont évidemment pas habitués à voir de « Msungu », ce qui vend dire blanc en Swahili ! La secrétaire prend la parole pour nous expliquer ce que ce projet a changé pour elle mais aussi pour toute la communauté. La tradition veut que la personne qui parle soit debout au milieu de tout le monde. Charles nous fait la traduction. Ils ont pu construire un endroit pour stocker les récoltes afin de les vendre quand le prix est meilleur. Elle est si reconnaissante qu’elle nous remercie au moins 20 fois ! Encore une fois, l’émotion monte. Une jeune femme arrive même en rampant sur les genoux, je me mets à sa hauteur un moment. C’est très dur émotionnellement, Inge et moi sommes au bord des larmes !
5 ou 6 femmes du groupe prennent ensuite la parole chacune à leur tour. Elles nous expliquent comment ce projet a changé un peu leur vie. Beaucoup parlent de l’accès à l’éducation pour les enfants. Elles peuvent en effet emprunter de l’argent au groupe sans intérêt pour payer les frais de scolarité, tout comme en cas de problème de santé. En effet, dans cette partie de l’Ouganda, beaucoup d’enfants n’ont pas la chance d’aller à l’école, souvent à cause des frais de scolarité et aussi à cause de la distance qui les séparent de l’école la plus proche. Pour être scolarisés, les enfants doivent donc souvent aller à l’internat, ce qui rend l’éducation encore moins accessible !
Beaucoup d’émotions… et autant de questions
Charles prend ensuite la parole et nous demande si l’une de nous veut dire quelque chose. Je vois que tout le monde attend. Ok, je me dévoue ! Je leur dis que je suis contente que ce projet les aide autant mais surtout qu’elles devraient être fières de LEUR travail ! C’est elles qu’on devrait féliciter, nous on ne fait que les aider à démarrer ! Je dois écourter car je n’arrive pas à retenir mes larmes. Cela les fait rire et l’atmosphère se détend. Tout le monde est si courageux et encore une fois plein d’espoir ! Vétérinaires Sans Frontières met en place le système, leur explique comment tenir le carnet de compte et l’importance de désigner un secrétaire. Souvent les deux premières années, l’ONG doit injecter un peu d’argent pour les aider mais ils prennent très vite leur autonomie. Encore une fois, ça valorise juste leur travail !
On doit déjà repartir. La danse reprend pour nous raccompagner en chanson jusqu’à la voiture. Je donne mon chapeau. Il a fait le tour de tout le monde et il restera là ! Charles me dit : « Ils sont tellement heureux, ils n’ont sans doute jamais eu l’occasion d’en porter un » … Le bonheur ne tient à rien, mais nous qui avons tout, y avons-nous encore accès ?
La voiture démarre et les villageois nous suivent sur au moins 500 mètres, ils entourent la voiture, et ils dansent, chantent, rigolent, … Cette rencontre a été tellement enrichissante et agréable… je serais bien restée là quelques temps ! Cela fait du bien d’arriver à aller au-delà de la pauvreté et à juste profiter du moment ! Mais sur le trajet du retour, ma tête commence à bouillonner. Je suis frappée par la pauvreté qui m’entourre : les enfants sont habillés avec des lambeaux de t-shirts, la majorité des gens sont pieds nus,… Mais ce qui me choque le plus, je pense, sont les signes de malnutrition visibles chez la majorité d’entre eux. Encore une fois, je me sens impuissante mais je me rends compte que l’aide humanitaire est réellement nécessaire ! Peut-on vraiment rester indifférent à cela ? On ne parle pas de confort mais bien de besoins primaires ! Peut-on vraiment laisser des gens mourir de faim ? Autant de questions qui m’accompagnent jusqu’à notre arrivée à l’hôtel…
Elisa Scohy
> Lisez la suite du périple d’Elisa dans le Nord de l’Ouganda : « Into the wild: dans les coulisses d’un kraal au Karamoja »