Ce matin, nous nous éloignons de la capitale dès l’aube pour assister à la traite des vaches chez des éleveurs Peuls. En compagnie de Ganda, le chef du projet de soutien à la filière lait de Vétérinaires Sans Frontières, nous nous rendons au milieu des terres poussiéreuses de la plaine où sont construits les villages des éleveurs, en périphérie de la capitale.
Ceux à qui nous rendons visite habitent un hameau qui se compose de 4 à 5 cases de torchis au toit de chaume – ou plutôt de millet séché – mais aussi de greniers à grains sur pilotis et de parcs à chèvres fermés par des cannisses. Un feu brûle au centre des habitations.
Le doyen de la famille nous accueille, enveloppé dans une couverture de laine à carreaux bleus et blancs. Il me salue en me serrant très fort les mains. Les siennes sont glacées, et il me dit qu’il a très froid. Les femmes et les enfants, eux, se précipitent dans leur case, intimidés. Après quelques temps, elles viennent quand même observer ces trois « bonbons roses » qui veulent les voir. L’une d’elles porte un tout petit bébé de quelques mois, qu’elle accepte de nous montrer. C’est son 5ème enfant.
La traite, entre tradition et modernité
Nous allons assister à la traite des vaches. Ali, le président de la coopérative laitière de la région, nous a rejoint. Il nous sert de traducteur. Commes les bêtes sont peu habituées à voir des étrangers, on nous demande de rester à l’écart. Karlien, la spécialiste du lait, arrive à se rapprocher très près du troupeau et à se faire accepter des vaches pendant la traite, ce qui étonne fortement Ali et Ganda.
Selon les coutumes, les vaches doivent d’abord allaiter leur veau afin de déclencher la libération du lait ; une idée fausse pourtant bien ancrée dans les traditions. La traite s’effectue dans un seau en inox fourni par la coopérative soutenue par le projet, avec un kit de désinfection des mains et des pis, un filtre et tous les conseils concernant l’hygiène. Avant de recevoir cet appui, le lait était récolté dans les traditionnelles calebasses poreuses, ce qui provoquait la prolifération de bactéries et empêchait sa bonne conservation.
En route pour le centre de collecte
Un centre géré par la coopérative locale récolte chaque jour le lait produit par les vaches des troupeaux alentours, dans un rayon de 25 km. Le litre de lait est payé 250 FCFA, soit 0,38 cents en euros. Un réseau de collecteurs est chargé de passer chez plusieurs éleveurs et d’apporter la production de chaque troupeau au centre, ce qui représente environ 5 litres par éleveur (seulement !)
À son arrivée au centre de collecte, le lait est filtré et soumis à des tests, pour s’assurer qu’il n’a pas été coupé avec de l’eau et pour exclure toute contamination bactérienne. S’il passe les tests, il est ensuite stocké dans un gros tank à lait réfrigéré. Une fois rempli, chaque matin, les quelques 1000 litres de lait récoltés sont acheminés jusqu’à la laiterie locale, SOLANI.
Le lait, générateur de revenus
La coopérative compte 64 adhérents. Ils s’acquittent d’une cotisation de 35 000 FCFA, soit 55 euros. Cela peut paraître cher, mais grâce au centre de collecte, les revenus de chaque éleveur sont passés de zéro à environ 37 500 FCFA par mois (5 litres à 250 FCFA x 30 jours), soit environ 57 euros. Si tout va bien, le projet de Vétérinaires Sans Frontières, commencé il y a 3 ans, peut donc leur apporter jusqu’à 700 euros par an en moyenne… Une fortune qui attire beaucoup de non-adhérents, qui profitent de la structure mise en place et ramènent leurs vaches dans un rayon de 30 km afin de pouvoir écouler leur production à la laiterie …
En plus des conseils concernant la traite, la coopérative propose des sacs de 40 kg de son de riz à crédit aux éleveurs afin de complémenter la maigre ration des vaches, en particulier en hiver.
Nous assistons à une discussion avec les collecteurs (eux-mêmes éleveurs) qui répondent timidement à nos questions. Nous apprenons encore que Vétérinaires Sans Frontières intervient auprès des institutions de microfinances locales pour que les éleveurs puissent avoir accès à des prêts et investir dans la collecte, par exemple en achetant une moto.
Une fois notre discussion terminée, nous reprenons finalement la route vers la « Laiterie du Sahel », dont nous visitons les infrastructures. Elle produit des yaourts à base de lait en poudre hollandais reconstitué ! Cherchez l’erreur… Une dernière visite qui pose question et nous laisse de quoi méditer jusqu’à demain.
Josette Ghysen