Durant mon séjour, j’ai pu découvrir un pays magnifique qui porte à la perfection son surnom de pays aux mille collines. Il propose aux voyageurs une grande variété de paysages, à perte de vue, sans même avoir besoin de se rendre sur des hauteurs. J’ai fait la rencontre de gens merveilleux, qui ont le cœur sur la main et des sourires qui semblent ne jamais vouloir s’effacer de leur visage. J’ai également eu l’opportunité rencontrer de nombreux éleveurs et leur famille, possédant quelques vaches, chèvres ou cochons.
Sans oublier les nombreuses visites de plantations de thé, de café, de bananes et de productions vivrières comme le haricot ou les pommes de terre, ou encore mes aventures touristiques au Parc National de l’Akagera, où sont visibles les grands animaux sauvages, au lac Kivu, en passant par les volcans du Nord ou la puissante chute d’eau du fleuve Akagera à Rusumo.
Difficultés agricoles
Mais cette belle description touristique cache de nombreuses difficultés, notamment agricoles, que j’ai pu observer. Un paradoxe quand 80 % de la population dépend de l’agriculture pour subvenir à ses besoins.
Le relief, généralement très élevé, rend la mécanisation extrêmement compliquée et exclut également la traction animale. Les agriculteurs et ouvriers travaillent donc le sol avec la houe, un outil qui n’est plus utilisé chez nous depuis déjà bien longtemps. Les difficultés auxquelles les agriculteurs doivent faire face sont aussi tout autres. Quand il pleut, l’érosion des sols, sur de telles pentes, est très forte. Et quand il fait sec, il ne suffit que d’une à deux semaines pour que les sols soient complètement drainés, ce qui perturbe la vie des plantes et rend la culture des sols impossible durant plusieurs mois.
Moi qui connais bien l’agriculture dans nos régions, je ne m’étais pas rendu compte que les difficultés agricoles pouvaient être aussi différentes selon les situations. Je connais les problèmes auxquels nos agriculteurs et éleveurs doivent faire face en Belgique, et ils ne sont pas des moindres, mais ils semblent parfois bien petits si je les compare à ceux auxquels doivent faire face les agro-éleveurs rwandais. Mais attention, je ne veux pas dire pour autant que les Rwandais vivent dans la misère ou qu’il n’y a pas de problèmes chez nous. Simplement, parfois, en regardant chez le voisin, on se rend compte que l’herbe est plus verte chez soi.
L’élevage, la solution pour un effet boule de neige
J’ai été sensible aux difficultés des agro-éleveurs rwandais. L’amélioration de leur production agricole m’a paru très complexe, demandant beaucoup de temps et des moyens conséquents. L’amélioration de l’élevage me parait en revanche plus simple, plus rapide et plus efficace : les animaux se contentent de manger ce qui est disponible, sans qu’il y ait besoin de travailler le sol, et dans des endroits où il est même impossible de cultiver (talus, zones caillouteuses, …). Les animaux peuvent être une source d’alimentation mais aussi de revenus en cas de vente des animaux eux-mêmes ou de leur production. Ils sont aussi source de fertilisant par leurs déjections et peuvent donc accroitre le rendement des cultures et améliorer la qualité des terres agricoles. Ils contribuent ainsi à l’amélioration de la situation alimentaire, financière et agricole des ménages.
Et c’est là que j’ai découvert le travail effectué sur le terrain par Vétérinaires Sans Frontières et son partenaire local Imbaraga : la distribution d’animaux et l’accès aux services vétérinaires. Les animaux distribués ? Principalement des chèvres, faciles à gérer et très résistantes aux maladies, et parfois des cochons ou des lapins selon les demandes. Mais donner des animaux ne suffit pas, encore faut-il qu’ils soient soignés s’ils tombent malade. D’où la mise en place de services vétérinaires de proximité. Il y a quelques années, l’école vétérinaire locale a reçu l’appui de Vétérinaires Sans Frontières. Ses diplômés les plus sérieux sont aujourd’hui sélectionnés et soutenus par l’ONG pour fournir des services vétérinaires abordables aux petits agro-éleveurs de la région.
Mais le travail de Vétérinaires Sans Frontières ne s’arrête pas là ; la mise en place et le soutien à l’élevage n’est que la première étape, une sorte de tremplin vers d’autres activités. Une fois la dynamique bien rôdée, d’autres formes de soutien se sont naturellement mises en place : l’accès au microcrédit, la formation des agriculteurs, la production de biogaz, etc. Oui, vous avez bien lu : la production de biogaz. Comment c’est possible ? C’est simple : les déjections animales peuvent fermenter et produire du méthane, un gaz inflammable, par le processus de biométhanisation. Loin de nos installations industrielles occidentales, il est possible de construire de petits bio-digesteurs capables de produire du biogaz pour la cuisson des repas et de réduire du même coup la consommation, les frais et les impacts négatifs des énergies consommées traditionnellement (principalement le bois). Je m’étonne encore de tout ce qui peut être amélioré juste en prenant la production animale comme point de départ.
Pour obtenir un bel arbre fruitier, il faut planter une graine, aider et protéger la jeune pousse qui sort de terre et tailler l’arbre année après année. Si le travail a été bien fait, l’arbre adulte donnera de très beaux fruits durant de longues années, sans plus aucune intervention de l’homme. Au Rwanda, Vétérinaires Sans Frontières a planté une graine, il y a déjà plusieurs années. Aujourd’hui, c’est déjà un petit arbuste qui donne des fruits. Il y a encore du travail pour le tailler et l’entretenir, mais petit à petit, l’arbre évolue vers son épanouissement.
Denis Collienne